Le Druidisme
seuls de façon innée ? « Il y a tout
lieu de supposer que l’usage des narcotiques fut encouragé par la recherche de
la chaleur magique. La fumée de certaines herbes, la combustion de certaines
plantes avaient pour vertu d’augmenter la puissance. L’intoxiqué
s’échauffe ; l’ivresse narcotique est brûlante… L’extase mystique étant
assimilée à une mort provisoire ou à l’abandon du corps, toutes les
intoxications aboutissant au même résultat étaient de ce fait intégrées dans
les techniques de l’extase » [325] .
Il semble bien qu’il en soit ainsi chez les Celtes. Nous
n’avons pas la preuve formelle qu’ils utilisaient des hallucinogènes, mais la
connaissance des plantes étant si importante chez eux, il n’y a pas lieu de
douter qu’ils ne connussent point les propriétés « chauffantes » de
certaines d’entre elles. On peut notamment être assuré qu’ils utilisaient
certains champignons comme l’amanite tue-mouches, dont la consommation prudente
provoque des visions et du délire. Et le chanvre, dont l’usage était très
répandu pour la fabrication des étoffes et des cordages, ne devait pas être
inconnu : les techniques carnavalesques et les mannequins d’osier en
flammes, signalés par César, nous prouvent que les effets
« échauffants » du chanvre étaient non seulement connus, mais
utilisés dans les séances d’initiation et de « voyance ». De toute
façon, il y avait l’alcool. Les Celtes avaient, déjà pour les écrivains grecs
et latins, la réputation d’être des amateurs passionnés de boissons fermentées.
L’ivresse est un thème fort répandu dans les épopées, surtout dans les récits
irlandais. Dieux et héros rivalisent de soif inextinguible d’alcool, sous forme
de bière, de vin, d’hydromel. Une fête religieuse ne se passait jamais sans
beuverie effrénée, ce qui se retrouve aujourd’hui dans de nombreuses coutumes
dites populaires. L’essentiel est de partir ,
de décrocher , d’oublier que l’être humain est
attaché à la terre. La reine Medbh de l’épopée irlandaise est littéralement l’ Ivresse . Et quand elle prodigue à de nombreux
guerriers l’ amitié de ses cuisses , elle ne
fait que procurer l’ivresse sacrée à ceux qu’elle désigne pour accomplir une
mission au nom de la collectivité dont elle est la souveraine. Cela explique en
grande partie cette propension des Celtes à l’ivrognerie : elle constitue
une sorte de dégénérescence profane d’une tradition religieuse ancestrale, mais
elle en garde tous les caractères, en particulier sur le plan de l’inconscient,
puisqu’elle permet le « passage du pont ».
Mais il resterait à savoir si ces techniques d’extase à base
de plantes ou d’alcool sont fort anciennes. « À une étude plus attentive
du problème, on a l’impression que l’usage des narcotiques dénote plutôt la
décadence d’une technique d’extase ou son extension à des populations ou des
groupes sociaux « inférieurs ». En tout cas, on a constaté que
l’usage des narcotiques (tabac, etc.) est assez récent dans le chamanisme de
l’extrême nord-est » [326] . Il
existe en effet des techniques « supérieures » qui permettent
d’atteindre l’état d’extase sans absorption de produits hallucinogènes ou
échauffants : ce sont des techniques qui, comme le Yoga indien, font appel
au réveil des forces inconscientes qui résident en nous et qu’il s’agit alors
de réveiller. Il semble que ce soit le cas chez les Celtes, comme en témoignent
les « déformations » rituelles de Cûchulainn qui dénotent une
maîtrise totale et absolue de l’esprit sur le corps, autrement dit, si on
refuse le dualisme corps-esprit, la manifestation visible d’une transformation interne.
Car, en définitive, c’est cela qui compte : l’apparition d’une chaleur interne grâce à laquelle on peut
« passer de l’autre côté ». Le tout est d’en revenir, d’où la
prudence des chamans qui ne s’aventurent jamais seuls dans les régions
interdites : ils se font toujours, au début de leur carrière, accompagner
par un chaman plus âgé qui est non pas leur guide, mais leur protecteur. Seuls
les héros prédestinés ou les chamans chevronnés peuvent se permettre impunément
de franchir le pont et d’en revenir. Les techniques peuvent alors être
extrêmement variées. Le rêve en est une. Le délire en est une autre. L’orgasme
aussi d’ailleurs,
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