Le Druidisme
groupe social est supposé
descendre. Cette croyance se manifeste religieusement par un culte rendu à
l’animal-ancêtre, et aussi par différents interdits, notamment les interdits
alimentaires. On ne peut ainsi consommer la chair de l’animal totémique, sauf,
comme l’ont signalé les ethnologues, le jour de la fête rituelle, où la
transgression du « tabou » est permise, sinon obligatoire. C’est
d’ailleurs de cette façon que Freud, s’appuyant sur Frazer, tente d’expliquer,
dans Totem et Tabou , la naissance des religions
par la culpabilité résultant du meurtre du Père, c’est-à-dire de l’Ancêtre
primitif, meurtre réactualisé dans le repas totémique.
Il faudrait d’abord savoir si, dans toutes les formes de totémisme
observées, on croyait réellement à la réalité de l’animal ancêtre. Se dire
« Fils de l’Ours » ne veut pas nécessairement croire qu’on est
l’arrière-petit-fils d’un ours. Les ethnologues ont souvent pris à la lettre ce
qui n’était qu’image représentative. Sous prétexte que le Poisson a été, chez
les premiers chrétiens, un signe de reconnaissance personnifiant le Christ, on
pourrait prétendre que les chrétiens croyaient descendre d’un animal-poisson.
Un observateur extérieur, non informé, pourrait en effet le penser. La réalité
du totémisme est plus complexe dans la mesure où interviennent des traditions
codées et transmises au moyen d’images significatives. Et surtout, il faut
éviter de tomber dans un piège : considérer les « primitifs »
pour des sous-développés mentaux. Le mot « primitif » ne devrait être
employé que pour désigner l’antériorité chronologique ou l’altérité culturelle.
En ce sens, le totémisme devrait être ramené à ses justes dimensions : la
croyance qu’un individu et une collectivité peuvent appartenir à une lignée
dont le signe de ralliement, l’emblème en quelque sorte, est une représentation
animale ou végétale, les motivations du choix de l’animal ou du végétal
« totémique » étant d’ordre symbolique ou simplement sociologique.
En ce sens, il y a incontestablement totémisme chez les
Celtes. Le nom du peuple gaulois des Éburovices ,
bâti sur le mot qui signifie « if », en témoigne. La relation de Finn
mac Cumail, de sa famille et des Fiana d’Irlande, avec les cervidés en est une preuve : il s’agit
vraisemblablement d’un clan très ancien, héritier des occupants préhistoriques
de l’Irlande, au temps des chasseurs de rennes. Et, dans ce cas, la référence
totémique au cerf se justifie pleinement par la sociologie. Il en est de même
pour les principaux personnages de l’Ulster épique : ils sont tous marqués
par une relation avec le taureau et avec le chien.
Cûchulainn est l’exemple-type. Il se nomme Sétanta, et c’est
à la suite du meurtre d’un chien, plutôt infernal que réel, qu’il reçoit le
surnom de « Chien de Culann ». Cela ressemble fort à une initiation.
Une fois qu’il a tué le chien du forgeron, celui-ci proteste qu’il n’aura plus
de gardien, plus de défenseur. Sétanta, qui est apparemment dans son tort, lui
donne réparation : désormais, c’est lui-même qui sera le gardien et le
défenseur, donc le chien de Culann. Il se choisit donc son nom fonctionnel, il
entre dans une confrérie , dans un clan. Et le
druide Cathbad, qui se trouve là, ratifie l’acte en disant que désormais
Sétanta ne portera plus d’autre nom que celui de Cûchulainn [298] .
C’est un rite de passage, un rite qui permet d’accéder à un clan. Mais ce clan
a comme emblème le chien, dont le nom du roi, oncle – et père – du jeune héros,
Conchobar, porte témoignage.
Il y a plus. La « carrière » glorieuse de
Cûchulainn se situe entièrement entre deux meurtres de chiens. Le premier lui
donne son nom et l’introduit dans la classe guerrière. Le second meurtre se
situe immédiatement avant la mort du héros, après qu’il a dû, à cause d’un geis , manger du chien rôti par une sorcière, fille
de Calatin. « Hélas ! dit Cûchulainn. Je ne tuerai jamais d’homme
après cet animal. C’est un chien qui a été l’objet du premier exploit que j’ai
accompli, et il m’a été prophétisé qu’un chien serait le dernier exploit que je
ferais » [299] . Le
héros Diarmaid, prototype de Tristan, est, quant à lui, lié au sanglier.
Certaines versions de la légende expliquent que le frère de
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