Le Druidisme
et les travaux de Wilhelm Reich, débarrassés de leur contexte
socio-psychologique, font apparaître la vraie valeur de l’orgasme : il
déclenche une énergie considérable qui, une fois réinvestie, et non pas diluée
comme cela se passe d’habitude, peut aider à franchir des étapes décisives dans
la traversée du pont. De plus, l’orgasme lui-même, qui est rupture, est un
point où peuvent s’accomplir les jonctions les plus difficiles entre les deux
mondes. Ne dit-on pas que l’orgasme est une « petite mort » ? Le
tout est de pouvoir en revenir. Assurément, la mort est un orgasme d’où l’on ne
revient pas. Et cela, parce qu’on ne connaît pas les techniques qui permettraient
de revenir en arrière.
Ces notions ne sont pas étrangères au domaine celtique, pas
plus qu’elles ne sont absentes des autres territoires indo-européens. La furor divine, la « frénésie » que
manifestent certains héros grecs, le nom du dieu-chaman par excellence, Wotan-Odin,
la fureur de cet étrange personnage irlandais qu’est Fergus (dont le nom
provient de ferg , « fureur,
puissance »), la « chaleur interne » de Cûchulainn, cela se
ramène au même thème. Et c’est indo-européen tout en étant vécu encore de nos
jours dans les sociétés chamaniques qui, elles, en principe, ne le sont pas.
Les druides étaient certes organisés selon les structures indo-européennes, ce
n’est pas contestable, mais il faut avouer que bon nombre de leurs croyances et
de leurs techniques sont apparentées, d’une façon ou d’une autre, aux croyances
et techniques de l’extase qui caractérisent le chamanisme.
Le rituel concernant le choix d’un futur roi, au cours
duquel le druide, après avoir mâché de la viande de porc et absorbé des
breuvages échauffants, s’endort et se met à rêver, protégé par des assistants
qui l’entourent, est absolument conforme au rituel chamanique, à la
« séance » comme on dit, au cours de laquelle le chaman va accomplir
son voyage dans l’Autre-Monde. Il ne s’agit pas d’une coïncidence, mais d’une
identité. Et que dire du druide, homme des bois, lié au végétal, qui officie au
milieu de la forêt dans une clairière sacrée ? Il évoque, par bien des
côtés, le chaman qui, mythiquement ou réellement, a son lieu sacré, lieu où se
dresse son arbre où s’appuient deux idoles. On croirait la description d’un nemeton . De plus, lorsque le chaman meurt, son arbre
est censé se dessécher et mourir, ce qui renforce le lien entre le végétal et
le prêtre, aussi bien dans le chamanisme que dans le druidisme. Les contes
populaires se font l’écho de cette sorte de symbiose entre l’arbre et
l’individu qui sait et qui voit [327] .
Quant aux femmes-guerrières qui initient le jeune Cûchulainn et lui font
traverser le Pont Étroit, elles ressemblent bien aux femmes-chamans qui sont
particulièrement nombreuses et efficaces, au même titre que les hommes. Enfin,
la faculté des chamans à se transformer, et d’après ce que l’on raconte, leur
habitude de s’affronter les uns contre les autres sous forme d’animaux [328] , sont
des éléments de plus à ajouter au dossier : les druides s’affrontent les
uns les autres en combats magiques. Le Combat des Arbres en est une preuve. Les
prouesses de Mog Ruith dans le Siège de Druim
Damhgaire en est une autre. Et le récit irlandais des Deux Porchers va dans le même sens : il s’agit
des aventures, des métamorphoses et des luttes de deux porchers magiciens qui
font assaut de prouesses pour prouver leur puissance [329] .
Quant aux combats continuels des héros celtiques contre des monstres, des
dragons, des êtres surnaturels inquiétants, du type des Fomoré, ils sont à
l’image du combat que mènent tous les chamans pour reconstituer l’état primitif
du monde et rétablir le passage libre entre le Ciel et la Terre en éliminant
tous ceux qui guettent aux alentours du Pont Étroit.
Mais il faut, pour arriver à être un héros, c’est-à-dire un
chaman et un druide, posséder des qualités exceptionnelles. C’est le cas des
Thuatha Dé Danann, mais ce sont des dieux qui sont, par nature, d’un niveau
supérieur aux êtres humains – ce qui ne les empêche pas d’être vaincus par eux.
C’est le cas de Gwyddyon, fils de Dôn, dans la tradition galloise : il
constitue une image assez complète du druide-chaman. Il en est de même pour
Merlin l’Enchanteur, dans n’importe quel
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