Le Druidisme
Marcellin, XV, 9). Les récits irlandais
abondent d’anecdotes où l’on voit des devins prédire les événements futurs,
aussi bien pour les particuliers que pour les groupes sociaux. Et c’est là
qu’on voit apparaître les personnages de « prophétesses », comme la
fameuse Fédelm de Connaught. Il faudrait également parler des
« gallicènes » de l’île de Sein, dont parle Pomponius Méla, qui
prédisaient l’avenir, calmaient les tempêtes et pouvaient changer leur
aspect : on y reconnaît le prototype de Morgane, la fée des romans
arthuriens, et de ses neuf sœurs, maîtresses de l’île mythique d’Avalon. C’est
en tout cas l’indication que les femmes pouvaient appartenir à la classe
druidique : si l’on n’a aucune indication sur la qualité de « druidesse »,
s’il est vraisemblable que les femmes n’ont point occupé le sommet de la
hiérarchie druidique, on a la certitude qu’elles pouvaient être prophétesses,
et certainement poètes. À ce compte, le personnage mythologique de la triple
Brigit (devenue sainte Brigitte de Kildare), déesse de la poésie, de la science
et des techniques, est révélateur. Il en est de même pour la déesse Morrigane,
capable elle aussi de se métamorphoser, notamment en corneille, femme-guerrière
et prophétesse. Et que dire de ces femmes-guerrières, plus ou moins magiciennes
et « sorcières », dont nous trouvons trace à la fois dans l’épopée
irlandaise et dans les récits gallois ? Les fées des contes populaires et
les mystérieuses « pucelles » que rencontrent les chevaliers
arthuriens, lesquelles pucelles sont souvent celles qui indiquent le chemin à
suivre, sont de toute évidence à ranger dans la même catégorie, avec toutes les
réserves qui s’imposent quand on est en présence d’une tradition très altérée
et qui a subi de nombreuses et diverses influences, à la fois dans le temps et
dans l’espace. Après tout, l’image des trois Parques, ou des Trois Moires
grecques, n’est pas très loin, ni la Sybille de Cumes, ni la Pythie de Delphes.
Cette dernière faisait bien partie d’une classe sacerdotale, même si son rôle
n’était que celui d’une exécutante passive, les prêtres se chargeant de
l’interprétation officielle de ses vaticinations.
Cela dit, il ne faut pas oublier que les druides, toutes
catégories confondues, sont avant tout des prêtres .
Les druides, d’après César, « veillent aux choses divines, s’occupent des
sacrifices publics et privés, règlent toutes les affaires de la religion »
(César, VI, 13). La coutume est, chez les Celtes, que « personne ne
sacrifie sans l’assistance d’un philosophe [= druide], car ils croient devoir
passer par l’intermédiaire de ces hommes, qui connaissent la nature des dieux
et parlent pour ainsi dire leur langue, pour offrir des sacrifices d’action de
grâces et implorer leur aide » (Diodore de Sicile, V, 31). Les sacrifices,
chez tous les anciens peuples, sont les manifestations les plus importantes et
les plus significatives de la religion considérée. Qu’ils aient consisté, chez
les Celtes, en immolations d’animaux, d’humains, en rituels sacrificiels
symboliques ou oblations de végétaux, peu nous importe ici. Les druides présidaient
aux sacrifices, quelle qu’en soit la forme, comme ils accomplissaient, dans les
clairières sacrées, au fond des forêts, des cérémonies sur lesquelles nous
n’avons guère de renseignements. La religion étant inséparable de la vie civile
et de la vie militaire en vertu du principe de la non-dichotomie entre le sacré
et le profane, cet aspect purement sacerdotal des druides ne fait qu’ajouter à
leur puissance effective à l’intérieur de la société celtique. Encore une fois,
sans druides, il n’y aurait point eu de société celtique. Mais inversement,
sans société de structures celtiques, il ne peut y avoir de druides.
II
LE TEMPS DES COMMENCEMENTS
Dans toute tradition, dans
toute doctrine et dans toute institution de caractère religieux, il y a une
référence explicite à un illo tempore . Ce
« temps-là », ce « temps des commencements », concerne
aussi bien l’apparition du monde, des dieux et des hommes que le moment où un
être privilégié et exceptionnel, prophète ou dieu incarné, est venu répandre la
« bonne nouvelle », c’est-à-dire l’instant de la Révélation. Il faut
bien admettre que cet illud tempus est une
nécessité
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