Le Druidisme
travers des îles
merveilleuses : ce sont des illustrations du thème de la quête dans
lesquelles l’errance est renforcée par la notion de l’immensité et des pays
inconnus. Les ennemis viennent toujours par la mer, les Fomoré les premiers.
L’île d’Avallon, l’île d’Émain Ablach sont quelque part dans l’océan, mais c’est l’Autre-Monde . C’est pourquoi Mananann
est censé résider au-delà de la mer, dans l’île de Man, ou ailleurs. La seule
légende celtique où la mer joue un rôle primordial, c’est l’histoire de la
Ville d’Is. Elle raconte la malédiction jetée sur une ville à la suite de la
faute commise par la princesse de cette ville : le pays, qui est plus bas
que la mer, est alors envahi par les flots. La légende est connue au Pays de
Galles et concerne la baie de Cardigan, mais curieusement, ce n’est pas la mer
qui engloutit tout, mais l’eau d’une fontaine, par suite de la négligence de la
gardienne de cette fontaine. Il en est de même en Irlande, où par la faute
d’une femme, un puits magique déborde et forme le Lac Neagh [234] .
Un étrange conte de Haute-Bretagne, localisé à Combourg, prétend qu’il y a une
pierre blanche au fond de la Fontaine de Margatte et qu’elle l’empêche de
déborder [235] . Si
un imprudent retirait la pierre, tout le pays serait inondé. Assurément, tout
cela témoigne de la peur de l’inondation [236] .
Ce ne peut être que le souvenir de lointaines catastrophes,
sans doute celles dont parle Ammien Marcellin à propos des « insulaires
étrangers venus d’au-delà des mers » qui auraient contribué au peuplement
de la Gaule. En fait, pour Marcellin, la Gaule est une sorte de fourre-tout qui
désigne l’ensemble des pays celtiques. Mais alors, comment concilier cette
information – qu’Ammien Marcellin rapporte d’après Timagène – avec le fait que
les Celtes sont incontestablement venus d’Europe centrale ?
Une première réponse est que les Celtes étant peu nombreux,
il subsiste dans les pays celtiques une forte proportion, pour ne pas dire une
majorité, d’autochtones d’abord soumis, puis assimilés. Une deuxième réponse
est en fait un nouveau problème, celui des Vénètes.
Voici comment César décrit ces Vénètes : « Ce
peuple est de beaucoup le plus puissant de cette côte maritime. C’est celui qui
possède le plus grand nombre de navires, et sa flotte fait le commerce avec
l’île de Bretagne. Il est supérieur aux autres par sa science et son expérience
de la navigation. Enfin, comme la mer est violente et bat librement une côte où
il n’y a que quelques ports, dont ils sont les maîtres, presque tous ceux qui
naviguent habituellement dans ces eaux sont leurs tributaires » (III, 8).
C’est assez net. Ces Vénètes qui occupent la côte sud de l’Armorique, à peu
près entre la Vilaine et l’Odet, sont les maîtres de la navigation dans
l’Atlantique, mais aussi dans la Manche, puisqu’ils font du commerce avec l’île
de Bretagne. Voilà en tout cas qui contredit l’affirmation que les Celtes sont
des terriens. Ou alors, il faut comprendre que les peuples celtes étaient ravis
que les Vénètes s’occupassent de la navigation à leur place. Et dans ce cas,
cela prouverait que les Vénètes n’étaient pas des Celtes, mais des populations
allogènes celtisées.
Ce qui complique les données du problème, c’est qu’il y a des
Vénètes ailleurs, et qui sont, comme par hasard, d’habiles navigateurs :
ce sont les Vénètes de l’Adriatique, autrement dit les Vénitiens. À leur sujet,
l’historien grec Polybe dit : « Cette nation ancienne ne se distingue
guère des autres peuplades gauloises par les mœurs et le costume, mais parle
une langue différente » (II, 17). Mais Strabon est plus affirmatif :
« Je serais assez porté à croire que les Vénètes de l’Adriatique sont une
colonie des Vénètes de l’océan » (IV, 4). En plus, on ne peut que
rapprocher le nom des Veneti avec celui du
nord-ouest du Pays de Galles, Venedotia ,
devenu Gwynedd en gallois. Comme par hasard, ce sont des Bretons venus pour la
plupart du nord du Pays de Galles qui ont émigré aux VI e et VII e siècles,
vers l’ancien pays des Vénètes, y formant le Browaroc’h, autrement dit le
Vannetais. Or le Gwynedd a été un fort royaume, en contact permanent avec
l’Irlande, et qui a subi, semble-t-il, une influence gaélique que certains
récits gallois mythologiques
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