Le Fardeau de Lucifer
l’hameçon. Il n’avait pas le choix.
J’identifiai la lettre dont Ugolin avait trouvé les restes dans le brasero.
— C’est lui qui t’a ordonné de me faire tuer ?
— Ne présume pas de ton importance, sire Gondemar. Ce que voulait Montfort, c’était le message que tu avais récupéré. Malheureusement, mon homme a trouvé chaussure à son pied. On me rapporta que, même blessé, tu lui avais broyé le gosier. J’ai donc continué à te faire surveiller - encore plus discrètement, car je me doutais bien que tu n’étais pas assez bête pour ne pas te méfier. J’ai été ravi d’apprendre que tu continuais à vérifier la cache sur la place. Je ne savais pas trop ce que tu espérais y trouver, mais tout ce qui m’importait, c’était la valeur que cela avait aux yeux de Montfort.
Il leva les yeux au ciel et laissa échapper un soupir théâtral.
— Malheureusement, tu t’en es mêlé sans le savoir. Pendant quelque temps, les sorties que tu as organisées m’ont fait craindre le pire. S’il était vaincu, évidemment, je perdais mon avantage. J’ai donc tenté de les empêcher pendant que je négociais.
— D’où ta colère contre le comte de Foix. Tu ne l’impressionnes guère, soit dit en passant.
— Je le lui revaudrai, ne crains rien. Puis j’ai appris que tu avais été capturé. Tout à coup, je me retrouvais les mains vides. Heureusement, tu es parvenu à t’échapper. Juste avant de lever le camp, Montfort ne détenait toujours pas ce qu’il cherchait. Il était coincé et devait s’en remettre à moi. Il devait rager comme un diable, mais il m’a assuré le respect de notre entente et a accepté de ne pas attaquer Toulouse si j’arrivais à lui livrer ce mystérieux message. Depuis, il attend en tournant autour de la cité et harcèle les terres de Foix, mais pas les miennes. Bref, il tient parole. Il posait une seule condition : ne pas décacheter le message. Il me connaît bien mal !
Il sortit de sa chemise une petite enveloppe dont le sceau de cire avait été brisé. Il en tira un parchemin et le déplia, puis fit grand cas de le lire pour me narguer.
— Le contenu est obscur, certes, mais rempli de promesses.
— Tu as ce que tu cherchais, maudite chiure, explosai-je avec amertume. Que veux-tu de plus ?
— Mais le reste, naturellement. Le message parle d’une « seconde part » de la Vérité. C’est donc qu’il en existe une première. Avec les deux, Dieu seul sait ce que je pourrais obtenir des croisés. Alors tu vas me dire où se trouvent ces deux parts.
Je le dévisageai, stupéfait. Cet homme était ambitieux et opportuniste, mais je réalisais qu’il ignorait absolument tout de la situation dans laquelle il s’était fourré les pieds. Il ne savait pas ce qu’était la Vérité, ni que sa première part était en sécurité à
Montségur. Montfort, lui, en avait connaissance, évidemment. Mais rusé comme il l’était, il s’était bien gardé de partager cette information pour mieux manipuler le comte à son avantage. En définitive, ces deux-là se méritaient. Ils étaient aussi retors l’un que l’autre.
Je sentis mon moral remonter un peu. Non seulement mon geôlier n’était qu’un intrus dans cette histoire, un ignorant qui s’y immisçait pour son seul avantage, mais il détenait encore le message auquel il ne semblait rien comprendre. En ce moment même, il l’avait dans la main. Peut-être que tout n’était pas encore perdu. Avec un peu de chance, je pourrais au moins prendre connaissance de son contenu et agir en conséquence. Mais pour cela, je devais d’abord sortir vivant de ce cachot.
— Mais de quoi parles-tu, vieux fou ? On m’a seulement demandé de récupérer ce message sur la place. Quelqu’un devait me contacter pour en prendre livraison. Je ne sais rien de plus, mentis-je.
Il s’approcha de moi et haussa les épaules, une moue cynique sur les lèvres.
— Allons, allons, sire Gondemar. Nous ne sommes plus des enfants. Ne perdons pas notre temps à ce jeu-là. Tu n’es pas du genre à jouer au petit messager. Révèle-moi l’endroit où est cachée cette Vérité et finissons-en. Deux parts, deux cachettes. Ce n’est pas bien sorcier.
— Va au diable, traître !
— Venant d’un homme qui a rejeté la cause de Dieu, l’insulte a bien peu de portée.
Je lui crachai au visage.
— Bon, je constate que tu choisis le
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