Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
Vom Netzwerk:
ce document scellé ? Tu ne me l’as jamais demandé, rétorqua-t-il en faisant la moue. Et même si tu l’avais fait, je ne te l’aurais pas dit. J’étais tenu au secret. Je me suis contenté de remettre ce que sire Robert m’avait confié. Déjà, en te parlant de la cassette, je frôlais la trahison.
    En homme d’honneur, il ne me demanda pas ce que le tube contenait. Je l’accompagnai en silence, admirant une fois encore son inébranlable rectitude. Sans jamais poser de questions et par pure fidélité, cet homme avait accepté de subir une cruelle injustice et de sacrifier le meilleur de son existence. Il l’avait fait pour une Vérité dont il ignorait tout, uniquement parce qu’on le lui avait ordonné. Indirectement, il l’avait aussi fait pour accomplir ma propre destinée. Cette seconde chance, je la lui devais. Mais jamais je ne pourrais le lui dire, et encore moins l’en remercier.
    Je brûlais de mettre en branle le plan que j’avais conçu et de partir pour Toulouse, mais j’étais désormais Magister de l’Ordre. À ce titre, je ne pouvais me dédouaner des responsabilités qui m’étaient imparties. Parmi celles-ci se trouvait l’initiation d’un nouveau membre, nécessaire pour combler les rangs des Neuf.
    La cérémonie se tint trois jours après l’enterrement, comme convenu avec Esclarmonde, qui avait transmis la convocation par le moyen habituel. J’étais affreusement nerveux. Je doutais de ma capacité à reproduire le rituel si bien maîtrisé par sire Ravier et, plus encore, de posséder la dignité pour le faire. Dans ma bouche, toutes ces paroles sacramentelles ne seraient-elles pas vidées de leur sens ? Souillées ? Profanées ? L’identité de la candidate, avant tout, me causait de grands tourments.
    Lorsque Pernelle fut amenée dans le temple, les yeux bandés, j’eus pitié d’elle. Elle se tenait là, toute petite et boiteuse, le souffle court, l’angoisse et la peur se lisant sur son visage vérolé. Je considérai un moment la possibilité de revenir sur ma décision et de lui épargner ainsi ce fardeau que j’avais décidé de poser sur ses frêles épaules. Mais je me retins. Je la savais forte. Elle avait traversé de terribles épreuves et en était sortie grandie. Par-dessus tout, j’avais besoin de son jugement, de son bon sens et de son courage. Et c’était ce qui me brisait le cœur. J’allais utiliser ma tendre amie pour parvenir à mes fins. Comme Montbard, comme Ugolin, comme l’Ordre des Neuf tout entier. La Vérité exigeait cela de moi.
    La cérémonie se déroula sans trop d’anicroches, les textes rituels me revenant plus facilement que je ne l’avais craint. Esclarmonde qui occupait maintenant le siège qui avait été le mien, à ma droite, me soufflait discrètement les mots. Au son de ma voix, le visage de Pernelle trahit sa surprise, puis son soulagement. La pauvresse me faisait confiance et, dès lors, claudiqua dans le temple avec dignité.
    Lorsque le bandeau lui fut retiré, je l’accueillis au sein de l’Ordre de la manière traditionnelle, en lui révélant de mon mieux les secrets qui m’avaient été communiqués peu de temps auparavant par Ravier. Puis elle fut conduite à l’ancienne place d’Esclarmonde, près de la porte, pour siéger parmi ses frères et sœurs. Je ne pouvais m’empêcher de songer qu’avec elle trois des Neuf étaient maintenant d’extraction chrétienne : mon amie s’était convertie à la religion des bons chrétiens ; Montbard avait reçu le consolamentum sans l’avoir demandé ; quant à moi, ma destinée m’avait mené à la défense des hérétiques. Peut-être était-ce de cette façon que la Vérité se dévoilerait petit à petit au grand jour ? Peut-être s’agissait-il de convertir un chrétien à la fois jusqu’à ce qu’elle s’impose d’elle-même ? Mais j’en doutais.
    Une fois l’initiation terminée, il était trop tard pour planifier la suite des choses. Les événements récents avaient exigé de chaque membre de l’Ordre un tribut que je pouvais lire sur les traits tirés. Pour prendre de sages décisions, ils avaient tous besoin de repos. Quant à ma pauvre Pernelle, je lui devais au moins quelques heures de répit pour lui permettre de décanter ce qu’elle venait de vivre et d’en assimiler l’essence. Je convoquai donc une assemblée pour la nuit suivante, puis fermai les travaux.
    Me rappelant le poids de ma propre solitude après la révélation de la

Weitere Kostenlose Bücher