Le faucon du siam
claquant des
doigts.
Le Palat avait l'air embarrassé. « Moi, un grain de
poussière, suis incapable de l'expliquer, Puissant Seigneur. »
Le gouverneur eut un grognement mécontent et rendit le
rapport au Palat. « Veille à ce qu'il soit convenablement scellé et garde-le en
lieu sûr. Envoie-moi immédiatement le farang!
— Puissant Seigneur, je reçois vos ordres. »
Les deux hommes étaient assis l'un en face de l'autre.
Ils observaient tout le cérémonial de l'étiquette, mais chacun réfléchissait à
la situation.
« Alors, monsieur Forcone, vous avez terminé votre
rapport. Il partira bientôt avec vos amis. Ainsi que je vous l'ai dit, vous
resterez sous ma garde jusqu'à leur retour. » Il marqua un temps. « Comme votre
canon. »
C'était l'ouverture qu'attendait Phaulkon. Le gouverneur
avait évidemment lu son rapport, même s'il n'avouerait jamais avoir ouvert un
document aussi confidentiel.
« J'implorerai l'honneur d'offrir le canon à Votre
Excellence en cadeau de la part de la Compagnie anglaise. Si je puis me permettre,
il serait splendide dans la cour de votre palais. Il rappellerait à tous les
visiteurs la toute-puissance de cette grande province. »
Le gouverneur le dévisagea un moment. « Et vous seriez
capable de le transporter jusqu'ici ?
— Ce devrait être possible, Excellence.
— Bien, alors il faudrait le faire aujourd'hui,
avant le départ des autres farangs, au cas où on aurait besoin de leur aide. »
Phaulkon marqua un temps. « Excellence ?
— Oui, monsieur Forcone?
— Tout en rédigeant mon rapport à Son Excellence le
Pra Klang, je ne pouvais m'empêcher de songer à quel point le Très Haut
Ministre va être en colère de ne pas me voir rentrer immédiatement à Ayuthia
pour signaler la perte du canon. Maintenant que ses troupes à Songkhla ne vont
plus recevoir de livraisons d'armes, il va sûrement vouloir prendre d'autres
mesures pour écraser les rebelles pattanis.
— Tout cela sera dans mon rapport, monsieur Forcone
: Son Excellence sera pleinement informée.
— Certes, Excellence. Mais je ne serai pas là pour
répondre personnellement aux questions ni pour recevoir les ordres de mon
maître. Imaginez que le Ministre royal veuille m'envover aussitôt à Songkhla
avec un autre plan ?
— Où voulez-vous en venir exactement, monsieur Forcone?
demanda le gouverneur en esquissant un sourire.
— À ceci seulement, Excellence : je pense qu'en
toute justice je devrais être disculpé. Je vous demande humblement d'écrire une
lettre exposant ma position : pour dire que l'on me retient ici sur vos ordres
et que l'on n'a pas voulu accéder à ma demande de revenir personnellement à
Ayuthia reprendre mon service. Ainsi, la colère qu'à n'en pas douter
manifestera le Ministre royal ne s'abattrait plus sur moi. C'est tout ce que je
demande, Excellence. »
Le gouverneur fit un effort pour dissimuler son embarras.
Si par hasard la mission de ce farang était réelle? Les rebelles de Pattani
s'étaient bel et bien soulevés et Ayuthia s'apprêtait à les écraser : il le
savait. Et si ce farang avait été choisi en secret pour être la clé de toute
l'entreprise ? C'était concevable. Il
avait assez de talent pour ça, c'était évident. Et à
Ayuthia on aurait voulu éviter à tout prix de mêler les Hollandais à l'affaire.
D'un autre côté, si le farang était un imposteur, une canaille culottée
possédant un sens dramatique hors du commun ? C'était une situation
terriblement déplaisante. Existait-il une alternative, un compromis, une façon
de garder ouvertes toutes les options ? se demanda-t-il. Une idée lui vint.
« Vous n'êtes pas vous-même le chef de la Compagnie
anglaise, n'est-ce pas, monsieur Forcone?
— Non, Excellence, c'est M. Burnaby.
— Hum. » Le gouverneur marqua une pause. « Il serait
peut-être plus convenable que ce soit le chef de poste qui reste ici en otage
plutôt que son second. Il serait évidemment relâché dès que son adjoint serait
revenu avec les copies des autorisations appropriées. »
Phaulkon sentit son cœur bondir de joie, même s'il
imaginait déjà la consternation de Burnaby. Mais, des deux, c'est lui qui
aurait les meilleures chances de les tirer de ce guêpier à Ayuthia.
« Comme vous le voudrez, Excellence. M. Burnaby, ainsi
que vous le dites, est le responsable. Mais pour-rais-je demander que M. Ivatt
parte avec moi? On a terriblement besoin de lui à la factorerie britannique.
— Je
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