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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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mieux Vercingétorix défendant ses montagnes que le brigand Clovis et ses abominables successeurs.
    — Mais… fit Gilles, abasourdi, les abominables successeurs ce sont…
    — Les rois de France et la plupart de leurs confrères ? Mais bien sûr. Je n’aime pas la royauté, monsieur, et je ne suis venu chercher ici rien d’autre que des leçons de liberté. J’ajouterai encore ceci : mon grand-père, le marquis de La Rivière, est breton cent pour cent. Aussi donc touchez là… et allons voir quel genre d’expédition nous pouvons obtenir du général Washington. Je suis comme vous, j’ai envie d’en découdre…
    Mais, malgré les objurgations de La Fayette qui l’attaqua flanqué de son état-major, Washington refusa de se laisser entraîner dans des attaques inconsidérées contre les forts défendant New York. Le Marquis eut beau répéter que des actions vigoureuses inciteraient les ministres français à de nouvelles générosités, l’Américain n’avait nulle envie de faire tuer des troupes qu’il avait tant de mal à entretenir.
    — Que nous puissions tenir tout l’hiver les positions que nous avons gagnées et ce sera fort bien. D’ailleurs, il nous faut des renforts nouveaux. Le comte de Rochambeau m’a fait savoir que son fils était reparti pour Versailles à bord de l’ Amazone commandée par M. de La Pérouse afin d’y demander l’envoi d’une nouvelle flotte. Les Anglais ont enfin quitté New-Port mais les vaisseaux du chevalier de Ternay ne sont pas assez nombreux pour garder l’entrée des principaux fleuves et permettre l’investissement complet de New York. Il faut attendre…
    Attendre, attendre ! C’étaient là des mots que ni La Fayette ni son nouveau lieutenant n’aimaient à entendre. Ils parvinrent tout juste à obtenir permission d’attaquer de nuit deux camps de Hessois qu’ils laissèrent en assez mauvais état.
    Mais ils durent bientôt faire face à un nouvel ennemi : l’hiver qui leur tomba dessus comme la foudre en plein milieu de l’automne, s’installa et ne bougea plus. Il ensevelit d’un seul coup tout le continent sans même lui accorder l’habituel et merveilleux répit de l’été indien. Les tourmentes de neige noyèrent les immenses forêts, étouffèrent villes et villages et tout fit silence tandis que les rivières gelaient jusqu’à la mer où les grandes baies de la Chesapeake et de New York virent leurs eaux blanchir et se solidifier.
    Alors la misère, comme l’avait prévu Washington, s’installa dans les armées mais surtout chez les Insurgents. Les réserves étaient maigres et l’argent manquait pour acheter ce qui eût été nécessaire. Le pain des soldats, comme des officiers d’ailleurs, était un mélange de sarrasin, de seigle, de blé et de maïs quand il y en avait et il arriva souvent que l’on restât trois jours, non seulement sans viande car on n’en mangeait guère que lorsque la chasse avait été fructueuse, mais encore sans pain. Les habits n’étaient pas meilleurs. Un marché noir féroce sévissait.
    La situation était un peu meilleure pour les Français retranchés dans New-Port dont ils avaient relevé les fortifications mais les approvisionnements amenés de France étaient épuisés et les chefs devaient acheter à prix d’or le nécessaire pour les troupes. C’était avec une grande impatience que l’on attendait des nouvelles de France où Rochambeau avait demandé, outre les nouvelles troupes et une somme de vingt-cinq millions nécessaire à Washington, une incroyable quantité d’objets divers allant de 6 000 chemises, 10 000 paires de chaussures et 3 000 quarts de farine à 24 réchauds de cuivre et 72 seringues à clystère ! Mais Versailles semblait oublier complètement l’armée du bout du monde et ne répondait pas souvent.
    Chacune des armées tuait le temps comme elle le pouvait, retranchée sur ses positions sans tenter quoi que ce soit car la saison rendait tout impossible. La Fayette seul faisait de fréquents voyages à Philadelphie pour obliger les membres du Congrès et leurs épouses à contribuer bon gré mal gré à l’effort de guerre et il parvenait souvent à arracher bien des choses nécessaires.
    La veille de Noël, Tim Thocker, glissant sur ses raquettes comme un goéland sur les eaux, arriva au quartier général, portant une triste nouvelle : le 15 décembre au lever du jour, le vaisseau amiral français le Duc de Bourgogne, bientôt suivi du reste

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