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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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charmante fille qui, à Peekskill, l’avait rejoint sous sa tente. D’ailleurs, le souvenir toujours vivace de Sitapanoki empoisonnait toutes ces amours fugitives car la comparaison était par trop facile.
    Une seule fois, il essuya un échec. Un soir, alors qu’il rapportait une brassée de bois pour ranimer le feu de sa tente 2 , il vit une femme enveloppée d’une grande mante qui en sortait vivement et s’éloignait vers le village. Lâchant son fagot, il courut après elle, la rattrapa.
    — Quand le maître d’une maison n’est pas là, ce n’est pas poli de s’introduire chez lui et d’en sortir sans l’attendre, s’écria-t-il tandis que ses bras se resserraient sur d’épais plis de laine qu’aucun corps ne semblait habiter.
    — Lâchez-moi, Lieutenant ! fit la voix calme de Gunilla. Je n’avais justement aucune raison de rester sous votre tente puisque vous n’y étiez pas.
    Il lâcha prise, recula et salua courtoisement la jeune fille.
    — Excusez-moi, Gunilla. Je ne vous avais pas reconnue avec ce manteau. Mais, je vous en prie, revenez…
    — Je n’ai plus le temps. Mrs Gibson m’attend, elle s’inquiétera si je m’attarde. J’étais seulement venue vous apporter un pot de confitures…
    — Des confitures ? Comme c’est gentil ! Mais entrez, je vous en prie, rien qu’un instant… pour que je puisse au moins vous dire si elles sont bonnes…
    Elle le suivit en silence, comme naguère dans les montagnes de Pennsylvanie, entra dans la tente qu’une lanterne éclairait et où il faisait presque doux. Le pot de confitures était posé près de la lanterne et Gilles le prit dans ses mains, l’ouvrit pour en respirer le parfum de fruit mais sans pour cela quitter la jeune fille des yeux. Il y avait longtemps qu’il ne l’avait vue car, depuis son arrivée au Quartier Général, Gunilla vivait dans l’ombre de Mrs Gibson qui l’avait prise en affection pour son courage et sa douceur et la traitait comme la fille qu’elle n’avait jamais eue. Auprès d’elle celle-ci menait une existence d’un calme approchant l’austérité mais s’en accommodait joyeusement. Elle ne quittait pratiquement jamais la maison ni ce jardin dont Gilles connaissait si bien les haies.
    Celui-ci la regardait avec une curiosité étonnée. Debout dans la lumière jaune de la lanterne, son petit visage sérieux bien encadré par la blancheur du bonnet tuyauté d’où s’échappaient des flocons de soie pâle, elle était l’image même de la fraîcheur et de la tranquillité. Sa peau, maintenant claire et douce, avait perdu la teinte foncée et la rudesse que le servage lui avait données et ses yeux, sous la frange épaisse de leurs cils, étaient plus bleus que jamais.
    Gilles se surprit à penser qu’elle devenait bien jolie. Elle le regardait en face avec pourtant une sorte de timidité et même d’appréhension. Comme un gamin, il plongea un doigt dans la gelée rose, le suça et sourit largement.
    — Il y a longtemps que je n’ai rien mangé d’aussi bon ! s’écria-t-il. Merci, Gunilla !
    — Ce n’est pas moi qu’il faut remercier. C’est Mrs Gibson.
    — Allons donc ! Vous ne me ferez pas croire que cette digne personne s’est mise tout à coup, à se soucier de moi. Si j’étais le général Washington, je ne dis pas. Je pense donc que l’idée vient de vous… une idée charmante.
    Il posa le pot, s’approcha presque à la toucher, la dominant de sa haute taille. Elle le regarda venir sans bouger. Ses yeux, grands ouverts, s’étaient attachés à ceux du jeune homme comme fait l’oiseau fasciné. Il sourit à ce regard limpide.
    — … Vous aussi vous êtes charmante, Gunilla. Comment ai-je pu être assez sot pour ne pas m’en apercevoir plus tôt ?
    Le reproche qu’il se faisait était sincère encore qu’il ne comprît pas très bien ce qui le poussait à faire du charme à cette petite fille. Peut-être à cause de cette propreté, de cette pureté qui émanait d’elle malgré tout ce qu’elle avait pu vivre aux mains des Sénécas. Elle n’était pas intacte car une esclave n’a guère la possibilité, si elle veut vivre, de s’opposer au désir de ses maîtres et la malheureuse avait dû subir plus d’une fois le guerrier qui l’avait capturée mais, en retrouvant une vie conforme à son éducation, elle avait réintégré sa personnalité d’antan aussi aisément qu’une main entre dans un gant. C’était à croire qu’elle

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