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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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vive, de venir vous arracher de ce couvent quand je reviendrai d’Amérique. Je ne sais pas encore comment je ferai mais si vous avez confiance en moi, rien qu’un peu, je suis prêt à donner ma vie pour vous.
    Judith ne répondit pas tout de suite. Doucement, elle se dégagea de ses bras, l’obligea à la poser à terre et, un instant, il eut peur de l’avoir froissée. Elle allait encore se fâcher, l’accabler de son mépris, lui lancer sa bâtardise à la tête… Mais il n’en fut rien. Judith se contenta de poser ses deux mains sur ses épaules en se haussant sur la pointe des pieds pour mieux plonger son regard au fond des yeux du jeune homme.
    — Pourquoi feriez-vous cela ? demanda-t-elle presque timidement. Vous n’avez eu de moi jusqu’à présent que dédain et mauvais procédés…
    — Étant ce que vous êtes et ce que je suis, c’était presque normal, dit-il gentiment. Au contraire, je crois que je vous dois beaucoup car sans vous je me serais peut-être laissé enfermer au séminaire. Mais vous m’avez donné un immense désir de vous approcher, d’essayer de devenir digne de vous… Je crois… oui, je crois que je vous aime…
    Le mot était parti tout seul, aussi simple, aussi naturel qu’un chant d’oiseau et Gilles s’étonna que l’aveu eût été si facile. Sur ses épaules il sentit frémir les mains de Judith. Elles glissèrent soudain, se nouèrent autour de son cou et, tout à coup le corps de la jeune fille se serra étroitement contre le sien tandis que leurs bouches s’unissaient sans que l’on pût savoir laquelle était allée au-devant de l’autre.
    Pendant une seconde, l’univers bascula. Les lèvres de Judith avaient le goût de ses larmes et la fraîcheur d’une rose mais, dans les bras de Gilles, son corps tremblant brûlait comme une flamme. Pourtant, ce fut elle qui se reprit la première. S’arrachant brusquement à leur étreinte, elle courut jusqu’au portail avec une légèreté qui pouvait laisser des doutes sur la gravité de sa foulure au pied, se pendit à la cloche puis, se retournant vers le jeune homme, elle rejeta en arrière sa chevelure qui lui tombait dans les yeux et ses yeux scintillèrent comme des diamants noirs. Ils avaient tout l’éclat du triomphe. D’une voix haletante, elle souffla, très vite.
    — Je t’attendrai, Gilles Goëlo ! Je t’attendrai… trois ans, pas un jour de plus. Si tu tiens ta promesse, je t’appartiendrai et tu pourras faire de moi ce que tu voudras. Sinon…
    — Sinon ?
    Elle eut un petit rire à la fois dur et tremblant.
    — Sinon, je verrai ce que j’ai à faire pour moi-même. Mais sache que je n’userai pas ma vie dans le renoncement perpétuel, que je ne dessécherai pas derrière ces grilles, inutilement vierge. Si tu ne viens pas, je serai à celui qui m’aidera à fuir, fût-il simple jardinier du couvent. Va-t’en maintenant, on vient.
    En effet, le tintement de la cloche avait déterminé tout un remue-ménage derrière la porte. La lumière d’une lanterne apparaissait au-dessus du mur accompagnée de bruits de pas. Une voix âgée chevrota :
    — Qui va là ? Qui sonne ?
    — Moi, sœur Félicité ! Judith de Saint-Mélaine !… Et, plus bas, elle ajouta, tournée vers Gilles : N’oublie pas. Tu n’as que trois ans pour me mériter…
    La porte s’entrouvrit puis se referma avec un bruit sourd. Les pas s’éloignèrent sur le gravier du jardin, la lumière qui éclairait les cimes des arbres disparut. Gilles alors se remit en marche sans trop savoir où il allait. Les oreilles bourdonnantes, à moitié ivre à la fois de joie et de stupeur, il remonta lentement le long des murs du parc pour rejoindre la ville en contournant le couvent et ainsi éviter de retrouver Morvan à sa sortie de la rivière. Il était inutile de déclencher un nouveau scandale qui, peut-être, retarderait son départ. Car maintenant, il avait cent fois plus hâte de partir que tout à l’heure. Trois ans ! Il avait trois ans pour gagner l’amour et réussir sa vie. Il n’y avait plus une seule minute à perdre !…
    Une heure plus tard, la couleur du monde avait changé pour Gilles qui se souvenait à peine d’avoir pleuré de douleur et d’abandon. Le grand mur noir qui, depuis des mois, lui cachait le soleil s’était définitivement écroulé, non au fracas des trompettes comme la muraille rouge de Jéricho, mais sous la parole paisible et douce d’un homme au cœur

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