Le glaive de l'archange
porte du cabinet de l’abbesse, et Sor Marta entra pour annoncer l’arrivée d’Isaac.
— Maître Isaac, s’exclama avec chaleur l’abbesse, comment allez-vous ? L’évêque est ici, et nous sommes enchantés de vous voir. Comment va notre pupille ?
— Sa santé est tout à fait bonne. Elle semble se nourrir de l’adversité. Se faire enlever, voyager dans la campagne et tomber amoureuse, voilà un traitement à recommander en cas de fièvres causées par des pustules.
— Ma nièce est très forte, et tout aussi charmante et intelligente, dit Berenguer. Mais je suis persuadé que ce sont vos soins qui lui ont permis de traverser cette épreuve. Avec l’aide de Dieu, bien évidemment. Nous vous devons beaucoup.
— Il semble que tout soit terminé, dit Isaac, mais je crains qu’il ne demeure encore bien des interrogations. L’une d’elles concerne la souillure qu’a reçue votre couvent et que mon investigation était censée laver.
— Il n’y a plus de mystère, répondit Elicsenda avant de faire à Isaac un bref résumé de la confession d’Agnete.
— Comme c’est extraordinaire ! dit Isaac. Je n’en reviens pas. Je sentais tant de suspicion, de culpabilité et d’hostilité chez Sor Benvenguda que j’étais certain que l’on ne pouvait lui confier dame Isabel. Et il s’agissait de Sor Agnete…
— Benvenguda était jalouse de votre art, certainement, dit l’abbesse avec calme. Songez à la difficulté qu’elle a eue à se fondre à un groupe de femmes qui se connaissent, vivent, prient et travaillent ensemble depuis des années.
— Sor Agnete m’a apporté le flacon en prétendant l’avoir découvert sur Doña Sanxia. Ce fut habile de sa part, mais j’aurais dû soupçonner son implication dès cet instant. Parce qu’il était évident que seule une religieuse pouvait administrer la potion.
— Ce fut étonnamment calculé et délibéré de sa part, dit l’abbesse. Nous devons considérer ce qu’il convient de faire d’elle. Elle peut encore être dangereuse.
— Nous pourrions laisser la maison mère prendre la décision, proposa l’évêque.
— Oui, mais que fera-t-on des autres conspirateurs, Votre Excellence ?
— Cela reste à voir. Sa Majesté a appris ce matin que Baltier et Montbui avaient fui pour la Castille, où ils espèrent recevoir la protection du roi.
— Avec leurs coffres remplis de trésors ? demanda sèchement Isaac.
— Je le suppose, répondit Berenguer. Je pense qu’ils essaieront d’acheter leur retour en grâce dès qu’il y aura une autre crise.
— Il est répugnant de penser qu’ils risquent de réussir, ajouta l’abbesse.
— Je crois que j’admire Castellbo plus que ses dangereux collègues, admit l’évêque. Lui au moins était prêt à mourir pour ses principes, et peu importe ce qu’ils pouvaient avoir d’insensé ou de dérangeant. Les Baltier et les Montbui de ce monde ne songent qu’à remplir leurs bourses et leurs ventres.
— Vaut-il mieux mourir des mains d’un noble dément ou d’un chacal avide ? dit Isaac. Les chacals ont peu de charme, mais je les redoute moins que les Castellbo. Ils ne cherchent pas à vous détruire, vous et vos proches, quand cela ne leur rapporte rien. Sa Majesté va-t-elle les poursuivre ?
— À l’intérieur du royaume ? Oui, et sans relâche, fit Berenguer. Mais pas au-delà des frontières.
— Je ne comprends pas d’où a pu surgir un groupe aussi étrange, dit dame Elicsenda d’un air irrité. Les disciples du Glaive de l’archange. Comment une telle chose peut-elle apparaître aussi rapidement ? Un jour, nul ne les connaît, et le lendemain, on ne parle plus que d’eux. Est-ce là une nouvelle vague de cathares ou quelque autre hérésie ?
— Je crois qu’ils sont aussi chrétiens que la plupart de mes ouailles, dit Berenguer avec prudence.
— Alors, pourquoi soutenir Fernando sur un terrain religieux ? demanda l’abbesse, qui avait tendance à vouloir clarifier les aspects les plus sombres de l’existence. S’ils sont chrétiens. Car c’est aussi le cas de Sa Majesté, Don Pedro.
— C’est plus compliqué que cela, lui répondit l’évêque. Pour moi, il s’agit d’un petit groupe qui s’est réuni l’année dernière pour célébrer la fête de saint Michel et la levée du siège de la ville à l’époque de nos grands-parents – quelques-uns de mes séminaristes, et des marchands ayant des griefs à l’encontre du
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