Le glaive de l'archange
Isabel l’enveloppa dans ses bras en une chaude étreinte.
— Je ne vous oublierai jamais, Raquel, ni ce que vous avez fait pour moi. Au revoir.
Le silence régnait dans la taverne de Rodrigue quand Pere et Johan en gravirent les marches. Ils scrutèrent la pénombre.
— Marc, Josep, salua Pere. Vous êtes tellement calmes que je croyais qu’il n’y avait personne.
— Tu viens bien tôt, dit Marc.
— Les choses vont plutôt au ralenti. Qui veut de mon bois aujourd’hui ? Tous les gens importants sont partis, on ne fait plus à manger que pour soi. Moi et Margarita, on en profite pour se reposer, ajouta-t-il, philosophe.
— Cela fait bizarre ici sans Sanch ni Martin, dit Marc d’une voix étrangement neutre, comme s’il testait la réaction de ses compagnons.
— C’est bien plus calme, si tu veux mon avis, répliqua Pere.
— Ils auraient pu me payer tout le vin qu’ils ont bu avant d’aller sur la place, intervint Rodrigue. Ça, on ne le reverra jamais.
— On ne perd pas grand-chose sans eux, dit son épouse qui passait la tête par la porte de la cuisine.
— J’en avais assez de leurs récriminations perpétuelles, dit Pere. Je viens ici pour oublier mes soucis, pas vrai, Johan ?
Le gros Johan sourit :
— Je n’ai aucun souci, moi. L’évêque a dit que ce n’était pas ma faute s’ils avaient tenu leur réunion aux bains. Et il le fera savoir au maître.
— Moins on en dit, mieux c’est, fit Josep. Certains préféreraient même que ce ne soit jamais arrivé, hein, Rodrigue ?
— Moi ? se défendit le tavernier. Je ne me suis pas approché des bains cette nuit-là. Je m’en rends tout de suite compte quand il y a des problèmes dans l’air.
— Tu ne t’en rends compte que quand ils te tombent dessus, oui.
La voix criarde de sa femme parvenait de la cuisine.
— C’est moi qui t’ai interdit de franchir la porte, si tu t’en souviens bien.
Un éclat de rire accueillit sa remarque. D’autres pas retentirent dans l’escalier.
— Où est Raimunt ? demanda l’un des nouveaux venus. J’avais quelque chose à lui demander.
— Tu n’es pas près de le revoir, répondit Rodrigue. C’est fini pour lui.
— On dit qu’il a quitté la ville avant que la foudre ne tombe, expliqua Marc. Il a toujours eu peur du tonnerre, ajouta-t-il en riant.
— Il n’a jamais fait de mal à personne, dit un des nouveaux arrivants. On ne peut donc pas laisser les gens tranquilles ?
— C’est vrai, fit quelqu’un d’autre. Au marché, j’ai parlé avec un homme qui m’a dit que le démon lui était apparu et qu’il lui avait révélé que le roi…
— Ça ne va pas recommencer ! s’écria Pere. Il vous faut voir combien de pendus avant d’ignorer ces propos insensés ?
— Tu as raison, dit Marc, et je bois à cela.
— Nous buvons tous à cela, dit Rodrigue en commençant à remplir les gobelets. Et je ne veux pas de votre argent.
— Rodrigue !
Le cri de fureur qui sortit de la cuisine fut accueilli par un énorme éclat de rire.
La lumière du soir projetait des ombres dans la cour, où Isaac était attablé en compagnie de Judith, Raquel et les jumeaux, Miriam et Nathan.
— Ibrahim est allé voir les pendus, papa, dit Nathan. Moi aussi, je veux voir un pendu.
— Moi aussi, renchérit Miriam.
— Taisez-vous, dit Judith d’une voix qui n’annonçait rien de bon. Si c’est tout ce que vous avez à raconter, vous pouvez aller tout de suite au lit. Leah !
La nourrice descendit l’escalier.
— Oui, maîtresse ?
— Emmène-les se coucher.
Malgré une longue litanie de protestations, les jumeaux regagnèrent leur chambre, et le calme revint dans la cour.
— Fait-il sombre ? demanda Isaac. Les oiseaux sont bien calmes.
— Non, Isaac, le soleil se couche seulement. C’est la chaleur qui les fait se tenir tranquilles, lui répondit Judith. Où est Yusuf ?
— Je suis ici, maîtresse, dit une petite voix de l’autre côté de la cour.
— Viens ici, Yusuf, que je te voie.
Le garçon traversa la cour et se présenta devant elle.
— Je croyais que tu devais partir avec le roi ce matin.
— Non, maîtresse. Maître Isaac a dit que je pouvais rester si je le souhaitais.
— Quoi qu’il en soit, la situation a changé, fit-elle d’un air pensif. Il n’est pas juste que tu demeures serviteur. Tu es ici pour apprendre, à présent, puisque tu as décidé de rester avec nous. Il va te falloir
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