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Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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monta sur le rebord. La sensation de la pierre sous sa main et la vue de l’eau claire sur les carreaux étincelants étaient pour lui bien plus belles que les hautes voûtes, les riches tapisseries et les vitraux chatoyants de la cathédrale.
    Puis il écarquilla les yeux et les cligna à deux reprises. L’eau claire et fraîche du bain n’était plus transparente, mais sombre.
    Et là, flottant à demi, à demi reposant sur le fond, une sœur bénédictine gisait sur le ventre, ses voiles noirs écartés autour d’elle comme une nuée d’orage.

CHAPITRE III
     
    Le gros Johan plongea dans l’eau ses bras musculeux, saisit la religieuse et la tira. Comme il ramenait son fardeau dégoulinant, il laissa échapper un cri de pure joie. Sans la moindre cérémonie, il déposa la créature sur le rebord, plongea à nouveau la main et s’empara d’une clef posée au fond. Le cauchemar était terminé. La clef de l’établissement de bains lui était rendue.
    Cependant, l’eau avait une sinistre couleur rosée. Il fit un pas en arrière et regarda la religieuse affalée au bord du bain. Certains signes au niveau de la tête et des épaules indiquaient que la rigidité commençait son œuvre. C’était bel et bien un cadavre dont l’âme s’était envolée il y avait quelque temps déjà. Il la souleva et la coucha sur le dos. Sa guimpe, horriblement souillée, était déchirée et écartée, révélant une blessure béante au cou. Le gros Johan secoua la tête. Il remit sur sa gorge le tissu humide, arrangea ses bras et son costume de manière convenable et, après avoir réfléchi un certain temps, sortit demander à l’évêque ce qu’il convenait de faire.
     
    Isaac passa les dernières heures de cette longue nuit dans la maison de Reb Samuel. Dès qu’il y arriva, il renvoya sa femme épuisée et, aidé de la nourrice, fit ce qu’il put pour le bébé.
    Cela ne suffit pas. L’enfant faisait de moins en moins d’efforts pour respirer. Désemparée, la mère s’accrochait au bras d’Isaac, le suppliant d’imposer les mains à son petit et de prier afin de le ramener à la vie et à la santé.
    — Oh, maîtresse, dit Isaac dans sa profonde détresse, je ne connais aucune prière qui puisse sauver une âme de la mort.
    — Nous vous paierons, insista-t-elle, désespérée. De l’or. Tout ce que nous possédons. Tout.
    — Si j’avais un tel pouvoir, j’en ferais volontiers usage et n’accepterais même pas un plat de lentilles en échange, mais ce n’est pas le cas.
    — Ce n’est pas vrai, murmura-t-elle. Chacun sait que vous êtes le successeur et l’incarnation du grand maître Isaac de la Kabbale et que vous avez ses pouvoirs. C’est pourquoi la vue vous a été ôtée. C’est un signe. Essayez, je vous en prie.
    Isaac frissonna d’inquiétude. Ces on-dit lui étaient déjà arrivés aux oreilles : ils émanaient de personnes crédules, mais c’était une autre affaire que de les entendre dans la bouche de la femme du rabbin.
    — Ne prononcez pas ces paroles insensées, femme ! Elles sont dangereuses. Je ne suis qu’un homme, et je fais de mon mieux, je vous l’assure. Ne proférez pas de tels blasphèmes devant votre mari.
    — C’est lui qui me l’a dit, répondit la femme. Mais je n’ai pas le pouvoir de vous contraindre. Je ne peux que demander et prier, ajouta-t-elle avec amertume.
    Isaac reposa l’enfant mort dans son berceau.
    — Il n’y a rien de plus que quiconque puisse faire, dit-il. Il est mort, maîtresse. Un jour, bientôt, vous aurez la joie de porter un autre fils, je vous le promets.
    Les cris de la femme attirèrent dans la pièce toutes sortes de consolateurs. Isaac profita du tumulte pour passer sa cape et, un peu honteux de cette trahison, s’en alla.
    Judith devait avoir regagné son lit et Yusuf, rassasié et réchauffé, dormir dans la petite chambre attenante à son cabinet. Avec un peu de chance, Isaac pourrait voler une heure ou deux de repos avant de retourner au couvent. Tout doucement, il déverrouilla le portail.
    La cour semblait désertée par les êtres humains. Dans leur cage suspendue, les oiseaux chanteurs concouraient avec leurs cousins de la nature pour emplir l’espace de sons. Les fleurs s’ouvraient au soleil et emplissaient l’air de leurs senteurs. Feliz, le chat, sauta de quelque part et atterrit sur le sol en poussant un miaulement de bienvenue. Du haut de la maison parvinrent les cris aigus des jumeaux qui se

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