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Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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dernière, il avait bu de prodigieuses quantités de vin bon marché. La terreur au cœur, il palpa sa bourse, accrochée à l’intérieur de son ample tunique.
    Elle s’y trouvait toujours. Pleine. C’était étrange. Il se rappela, mal à l’aise, un gentilhomme qui lui offrait du vin, mais le tenancier ne s’était certainement pas montré généreux toute la nuit durant. Il avait des souvenirs épars d’une bande de fêtards faisant du scandale en ville et l’attirant parmi eux. Son dernier souvenir : il s’allongeait dans un coin paisible des bains. Comment était-il arrivé dans son propre lit ? Avec le soleil dans les yeux ?
    — Sainte Vierge ! s’écria-t-il. Les bains.
    Les bains maures occupaient la vie du gros Johan depuis le jour où il y avait mis les pieds pour la première fois, il y avait vingt ans de cela – l’année de la grande famine. Ses parents étaient morts ou l’avaient jeté à la rue, et le vieux Pedro, le surveillant de l’établissement de bains, l’avait trouvé pleurant de faim le jour de la Sant Johan. Il l’avait pris avec lui, l’avait nommé Johan, bien entendu, lui avait donné du pain et du fromage ainsi qu’une grosse botte de paille pour y dormir, puis l’avait fait travailler avec lui aux bains. Il était alors si petit et si maigre qu’il lui fallait monter sur un tabouret pour voir par-dessus le rebord des bains. Les clients s’en étaient amusés, l’avaient surnommé le gros Johan et lui avaient donné des pièces pour qu’il les dépense ou les mette de côté, à son gré. Pour la première fois de sa vie, il avait des habits décents sur le dos et assez à manger pour se remplir le ventre. Dix ans plus tard, le gros Johan méritait pleinement son surnom et dépassait largement son maître. À la mort du vieux Pedro, le médecin respecté qui jouissait du privilège et de la responsabilité de diriger l’établissement de bains accorda la charge de surveillant au jeune Johan. Depuis dix ans, il se trouvait à son poste avant même que les cloches sonnent prime au couvent. Il ouvrait le bâtiment, balayait le sol et nettoyait les bains, puis il surveillait les lieux jusqu’aux vêpres – parfois même plus tard, en raison d’arrangements très particuliers –, après quoi il fermait le bâtiment pour la nuit. C’était une fonction pleine d’importance et de responsabilité. Dieu la lui avait accordée vingt ans plus tôt alors qu’il était dans le besoin ; aujourd’hui, Johan l’avait rejetée comme une vieille feuille de chou. Il gémit.
    Il quitta péniblement son lit. Le désespoir lui étreignait l’âme, la douleur le ventre. Il sortit et vomit les derniers excès de la nuit. Son ventre se sentit considérablement mieux, et le désespoir perdit un peu de terrain. S’il se hâtait, peut-être que personne ne remarquerait son retard. Après tout, la majeure partie de la ville avait veillé tard, noyée dans le vin.
    Il s’avança péniblement sur le chemin, titubant entre les arbres et les buissons, trébuchant sur les racines, la bouche et l’estomac toujours barbouillés. Il voulut se saisir de la clef qui, depuis dix ans, pendait à l’anneau accroché à sa ceinture.
    L’anneau était vide.
    Il s’assit près de la porte et contempla l’anneau. Il demeurait vide. Peut-être avait-il laissé tomber la clef la nuit dernière. Il se mit à genoux pour la chercher. Elle ne se trouvait nulle part. Peut-être était-elle à l’intérieur. Il ouvrit la porte et commença à fouiller. Il fallut un certain temps à Johan, dans l’état pitoyable où il était, pour qu’il se rende compte que, sans la clef, il n’aurait pas dû se trouver à l’intérieur des bains.
     
    Johan se releva et s’assit lourdement sur un banc de bois, au pied des escaliers. Affolé, il regarda autour de lui. Une douce lumière verte filtrait par les ouvertures du plafond voûté, se reflétait sur les carreaux bleu et blanc et faisait étinceler les piliers blancs qui encerclaient le bain principal. Ainsi qu’elle l’avait fait vingt ans plus tôt, le jour où il l’avait découverte pour la première fois, cette lumière apaisait les troubles de son âme. Ici, entouré de tant de beauté, il se sentait en sécurité. Machinalement, il se leva et prit son balai. Il se rendit tout au bout de la salle et balaya consciencieusement en direction de la porte. En arrivant près du bain, au centre de la salle, il s’agrippa à un pilier et

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