Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
Vom Netzwerk:
querellaient et de Leah, leur nourrice, qui tentait en vain de les raisonner. Judith, aussi résistante que jamais, apparemment remise des rigueurs de la nuit, travaillait en discutant avec Naomi. Pour l’heure, chacun menait une vie heureuse et prospère derrière l’illusion de sécurité que leur apportait la protection des puissants. Les juifs de Barcelone et les Maures de Valence avaient vécu de même, et maintenant… Isaac repensa aux événements de la nuit et secoua la tête, l’air sombre. Puis il marcha en silence sous les arbres fruitiers et regagna son sanctuaire. Il s’enroula dans sa cape, car la matinée était encore fraîche, s’allongea sur sa couche étroite et s’endormit aussitôt.
     
    — Votre Excellence, disait la voix. Votre Excellence, insistait-elle.
    L’évêque Berenguer de Cruilles ouvrit un œil et réprima la réponse irritée qui lui venait aux lèvres. Ce n’était pas la première fois qu’il souhaitait que ses chanoines pussent régler les affaires mineures sans quêter aussitôt son approbation.
    — Oui, Francesc, mon fils, qu’y a-t-il encore ?
    Francesc Monterranes réprima son propre accès d’irritation. Lui aussi avait été éveillé la majeure partie de la nuit, occupé par une bande d’irresponsables de quinze ans, des séminaristes qui n’étaient rien d’autre que des ivrognes. Mais, en tant que vicaire, il n’était pas censé se laisser affecter par une gêne aussi passagère que la perte de quelques heures de sommeil.
    — Je m’excuse de vous déranger, Votre Excellence, mais il y a dehors une personne qui souhaite vous parler de toute urgence.
    — Une personne ? Quel genre de personne ?
    — On l’appelle le gros Johan, et c’est le…
    — Je sais qui il est, Francesc. Qu’est-ce qui l’amène ici ?
    Un frère convers était entré dans la chambre de l’évêque et s’affairait, ouvrant les volets et déplaçant les objets. Francesc Monterranes jeta un rapide coup d’œil dans sa direction avant de se pencher pour chuchoter les sinistres nouvelles apportées par le gros Johan.
    Berenguer leur accorda quelques secondes de considération.
    — Qui d’autre sait cela ? demanda-t-il dans un murmure, en tendant la main vers la patère de bois à laquelle une sobre robe noire était accrochée.
    — Personne, Votre Excellence, dit doucement le vicaire.
    Il prit la robe de l’évêque et l’aida à la passer.
    — Le surveillant des bains est un homme prudent et silencieux.
    — C’est aussi un homme dont la tête est pleine de vin ce matin, certes, dit Berenguer dont les doigts boutonnaient automatiquement la longue rangée de boutons qui fermait le vêtement du menton aux genoux. Je me souviens distinctement d’avoir vu sa silhouette délicate tituber sur la place et chanter des chansons grivoises alors même que nous étions tirés de notre lit pour régler le problème des séminaristes.
    — Vous pensez qu’il…
    — Non. Je pense qu’il était trop ivre pour manifester l’intention de pisser, encore moins pour assassiner une religieuse dans les bains.
    Berenguer de Cruilles et Francesc Monterranes étaient amis de longue date. L’évêque s’intéressa à la cruche d’eau et à la serviette préparées pour son usage.
    — Un peu d’eau me réveillera, ensuite nous recevrons le surveillant avant de déjeuner.
     
    Le cabinet privé de Berenguer était nu et semblable à une forteresse. Seul un crucifix grossier – sculpté pour lui par un jardinier de sa famille alors qu’il était enfant – ornait les murs couverts de plâtre. La pièce contenait un petit bureau, trois chaises et une étagère pour sa collection privée de livres. À l’une des extrémités se trouvait un recueil de sermons et d’ exempla, ces contes moraux sans lesquels tout sermon eût paru sinistre ou simpliste, et à l’autre un volume des œuvres du Docteur angélique, Thomas d’Aquin. Nichés entre eux se dissimulaient d’autres témoins de l’esprit et du cœur de l’évêque : des contes chevaleresques, des poèmes amoureux, des traités scientifiques et philosophiques, écrits en catalan et en castillan, en provençal, en latin et en grec. Sur le bureau, un crâne blanchi, hérité d’Arnau Montrodo, son prédécesseur, servait de presse-papiers. « Il tenait à ce que son successeur se rappelle qu’il était avant tout mortel, puis prêtre, enfin évêque », disait-il avec ironie aux rares personnes conviées

Weitere Kostenlose Bücher