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Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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de cécité ? » Dans son cœur, la rage céda la place à la terreur.
    C’est alors que, devant la porte, il perçut un choc léger, le mouvement d’un chat. « Je ne suis pas sourd, pensa-t-il soulagé, et c’est bien la nuit. » Il répéta ces mots, s’accrochant à leur simplicité et à leur cohérence, et peu à peu sa respiration s’apaisa, ses muscles endoloris se détendirent.
    Isaac réfléchit à ces deux choses. Il entendait avec une finesse inhabituelle et, dans le noir, il n’avait pas d’égal. Son corps, aussi douloureux et las fût-il, était puissant et habile. Il ne pensait à rien en dehors de cela. Quand il s’y efforça, le doute, la récrimination et la peur l’enveloppèrent à nouveau, et il revint à ces simples mots, pareils à un radeau dans la tourmente. « C’est la nuit, et j’entends toujours. »
     
    La ville dormait. La lune s’était levée peu de temps auparavant ; quelques nuages obscurcissaient les étoiles. Çà et là, une bougie brûlait, anormalement vive dans l’obscurité. Dans la chapelle du couvent de Sant Daniel, les sœurs chantaient laudes et l’abbesse Elicsenda était agenouillée, en prière. Elle priait pour la sécurité physique des deux jeunes femmes, mais elle priait aussi pour la sécurité de l’âme de la religieuse inconnue qui avait participé à leur enlèvement : mal à l’aise, elle se demandait de qui il pouvait bien s’agir. Les voix se turent ; les sœurs se retirèrent pour prendre un peu de repos. L’abbesse resta dans la chapelle, perdue dans ses prières et ses spéculations.
    Dans son cabinet, l’évêque Berenguer lissa la mèche de sa bougie, tailla sa plume et continua d’écrire un récit cohérent de tout ce qui s’était produit. Comme son ami, maître Isaac, il savait que dame Isabel d’Empuries valait trop en or et en terres pour être maltraitée par un ravisseur ayant quelque instinct de conservation. Isabel en vie, aucun mal ne pourrait être fait à la jeune fille, Raquel, nécessaire à la sauvegarde de la santé et de l’honneur de sa compagne. Mais Isabel avait été proche de la mort, et dût-elle mourir… Berenguer secoua la tête et revint à ses écrits : cela lui permettait d’éloigner semblables pensées.
    Dans une pièce attenante à sa chambre à coucher, Don Pedro d’Aragon était assis avec son secrétaire et trois conseillers quelque peu hirsutes pour avoir été tirés précipitamment hors de leurs lits. Sur la table reposaient les deux lettres transmises coup sur coup par Berenguer. La première était arrivée au coucher du soleil et contenait d’heureuses nouvelles. Sa Majesté avait passé une soirée agitée : en effet, le roi était tiraillé entre le profond soulagement de retrouver son fils, qu’il croyait mort, et la colère froide que lui inspiraient ceux qui l’avaient enlevé. Il dormait quand la seconde lettre arriva : le messager avait chevauché au crépuscule et pendant la nuit, rapide comme le vent sur les collines, profitant des derniers rayons du jour ainsi que de la clarté lunaire. La dernière heure du périple s’était déroulée dans la plus grande obscurité. Le messager avait insisté pour que l’on tire du lit Sa Majesté. C’était fait à présent.
    Le roi était assis, silencieux et sinistre. Eleazar ben Solomon, le secrétaire, lut les lettres de l’évêque et fit un bref résumé de la situation.
    — Où est Castellbo ? demanda le trésorier en regardant autour de lui.
    — Il dort paisiblement, sans aucun doute, dans ce château proche de Gérone où il était censé protéger l’infant, dit le roi sur un ton sauvage.
    Quand sa voix mourut, un lourd silence emplit la pièce. Alors que les quatre hommes mettaient de l’ordre dans leurs réflexions, Don Pedro pensait à son frère et envisageait une action.
     
    « Je suis devenu comme Samson, songeait Isaac, qui alignait les mots avec difficulté. Aveugle et désarmé. Dans ma fierté, j’ai cru pouvoir affronter les Philistins. Je leur ai abandonné ma force, et cela m’a détruit. » Puis l’absurdité de l’analogie se révéla à lui. « Qui est ma Dalila ? L’abbesse de Sant Daniel, cette femme à la main et à la voix froides ? » Il éclata d’un rire incoercible jusqu’à en être au bord des larmes.
    Un peu plus tard dans la nuit, alors que son corps vibrait d’excitation et de fatigue, il devint incapable de tenir plus longtemps à l’écart ses pensées

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