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Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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pied sous la troisième table, placée dans le coin le plus sombre de la salle. Il conclut qu’il ne verrait pas grand-chose là où il se trouvait et se tortilla sous le banc, loin des bottes sales, avant de plonger sous la table. Il se fraya un chemin entre les pieds, contourna un tréteau et s’installa dans un espace relativement vide entre les deux rangées de buveurs. Progresser en un tel lieu n’avait rien de facile. Sous ses mains et ses genoux, ce n’était que planches de bois sales, mal dégrossies et inégales. Chacun de ses mouvements s’accompagnait d’égratignures, mais il risquait de se faire surprendre s’il s’arrêtait. Il arriva à sa première destination les genoux endoloris, haletant de terreur.
    Juste au-dessus de lui quelqu’un se mit à chanter. Ce bruit soudain le fit sursauter. D’autres se joignirent au chanteur, marquant le rythme de leurs poings au-dessus de sa tête. Tremblant, incapable de contrôler sa respiration ou les battements de son cœur, il resta tapi jusqu’au moment où il se rendit compte que le vacarme était tel qu’il aurait pu chanter à son tour sans que l’on n’y prît garde.
    Cette position avantageuse lui permettait d’observer toute la partie basse de la salle. Cela ne ressemblait vraiment pas à une confrérie d’assassins. La conversation tournait autour des vaches, des bœufs et des ânes, du prix du grain scandaleusement bas – ou élevé, selon celui qui parlait. Les chansons dégénéraient quant à la moralité ou au style. Puis un homme de grande taille, l’air sérieux et vêtu d’une soutane noire, apparut dans l’escalier et regarda autour de lui. Un homme d’Église, en conclut Yusuf pour qui les différentes conditions et dignités du clergé catholique ne faisaient aucune différence. L’homme d’Église pénétra lentement dans le champ de vision de Yusuf, révélant bientôt des bottes, noires et propres, qui se dirigèrent vers le coin le plus éloigné de la salle. Il disparut alors aux yeux de Yusuf. Un peu plus tard, un deuxième homme fit de même. Puis un troisième, et Yusuf décida de les suivre.
    Il lui fallait se trouver loin de la femme de Rodrigue, à qui rien n’échappait, et plus près des nouveaux arrivants. Il devait pour cela quitter la table et repasser sous le banc avant de s’avancer jusqu’à hauteur du tréteau central. Il n’avait qu’une chose à faire, attendre que les buveurs soient trop distraits pour lui prêter attention.
    Quelqu’un entama une nouvelle chanson et il se faufila, aussi vif qu’un serpent qui fuit dans l’herbe. Mais sa progression fut brutalement arrêtée ; coincé entre deux paires de bottes, il se retrouva nez à nez avec un chien aux longs poils bruns. Le chien grogna et Yusuf recula. Une botte le frappa dans les côtes.
    — Excuse-moi, mon vieux, dit une voix au-dessus de lui.
    — T’excuser de quoi ?
    — De t’avoir donné un coup de pied. Tu es stupide ou quoi ? Tu ne sens même pas quand on te donne un coup de pied ?
    — Je n’ai rien senti.
    Une troisième voix intervint :
    — Si c’est mon chien que tu as frappé, tu as intérêt à prendre garde. Il n’aime pas ça, et moi non plus.
    La voix en question était truculente, un peu pâteuse, et semblait appartenir à un individu aux grosses jambes et aux grands pieds. « Ici, César », dit la nouvelle voix, et très lentement, avec d’infinies précautions – car l’homme avait bu plus que de raison ce soir-là –, le propriétaire des grosses jambes entreprit de caresser son chien.
    Yusuf vit le torse de l’homme se pencher. Pris de panique, il passa par-dessus César, qui gronda à nouveau et chercha à le mordre. Yusuf se cogna la tête sous la table, trouva un espace entre les buveurs, s’y engagea et arriva sous la table vide, dans le coin le plus sombre de la salle. Haletant, libre et triomphant.
    Enivré par sa victoire, il rampa à toute allure sur le sol jusqu’à l’extrémité de la table, repassa sous le banc et se dirigea vers la porte ouvrant sur la seconde salle de la taverne. Ce fut plus facile qu’il ne l’aurait imaginé. Le temps qu’un fermier un peu obèse entonne une chanson paillarde, Yusuf se retrouva à l’entrée de l’autre salle, la tête un peu trop près de l’abattant de cuir qui servait de portière, tout occupé qu’il était à écouter ce qui se passait.
    L’issue fut soudaine. Une main forte et charnue le saisit par la peau du cou et le

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