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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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se
sentait encouragé par le mal que le roi disait du cardinal à son entourage.
    Ce n’était là pourtant que la revanche un peu puérile d’un
homme qui admirait son ministre, acceptait ses avis clairvoyants, et en même
temps se sentait quelque peu blessé par sa supériorité. Mais il aurait fallu à
Cinq-Mars plus de pénétration qu’il n’en avait pour deviner ces finesses. On ne
sut que plus tard qu’il aspirait à remplacer Richelieu comme ministre. Ce qui
prouvait, hélas, qu’il avait plus à se glorifier dans la chair que dans ses
mérangeoises. Mais avec ta permission, lecteur, je reprends mon récit. Quand
nous arrivâmes aux abords d’Arras, je m’aperçus que le maréchal de La
Meilleraye, qui se trouvait à pied d’œuvre depuis un mois, avait avancé
beaucoup la circonvallation et la contrevallation qui se trouvaient de fait
quasi terminées, les cavaliers étant en cours de construction.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, un mot de grâce.
    — À vrai dire, belle lectrice, je vous attendais. Vous
êtes là, je suppose, pour me demander le sens…
    — De ce baragouin. Que veulent dire ces
« cavaliers » qu’on construit, au lieu de les laisser courir.
    — M’amie, ils n’ont rien à voir avec les chevaux. Ce
sont des élévations de terre qui sont construites pour mettre un canon à la
hauteur voulue pour atteindre les fortifications ennemies.
    — Et qu’est-ce donc que la circonvallation ?
    — Ce sont trois fossés concentriques qui encerclent la
ville, mettant les assiégeants à l’abri des tirs de l’assiégé, et leur
interdisant toute sortie.
    — Et la contrevallation ?
    — Ce sont des tranchées toutes semblables aux trois
autres, mais qui défendent les assiégeants d’être à leur tour assiégés par une
armée de secours.
    — Et comment nos soldats passent-ils, en cas de besoin,
de la circonvallation à la contrevallation ?
    — Par des tranchées en zigzag.
    — Et pourquoi en zigzag ?
    — Pour que les assiégeants, quand nos soldats circulent
d’un fossé à l’autre, ne soient pas surpris par un tir en enfilade des
assiégés.
    — Et combien faut-il de temps pour s’emparer ainsi
d’une ville ?
    — M’amie, cela dépend de beaucoup de choses : de prime,
de la vaillance ou de la couardise des assiégés. Ramentez-vous qu’au début de
l’invasion de la France par l’Espagne et les Impériaux, un certain nombre de
nos petites villes, à la grande ire de Louis, ouvrirent leurs portes à l’ennemi
après huit jours de siège. Mais le plus souvent, c’est la famine qui vient à
bout des assiégés, comme ce fut le cas à La Rochelle dont la défense fut fort
héroïque d’un bout à l’autre, chacun des belligérants, catholiques ou
protestants, attendant de Dieu la victoire.
    — Dieu bon ! Et c’était le même Dieu !
Monsieur, une question encore. Pourquoi tant d’efforts pour prendre
Arras ? Après tout, ce n’est qu’une ville comme une autre.
    — Ah ! c’est là que vous errez, m’amie. Arras
n’est pas petite ville, mais cité belle et prospère, ville de marchands de vin,
de drapiers, de banquiers, de tapissiers, et croyez bien que la bourgeoisie
marchande d’Arras est tout aussi bien garnie en pécunes et clicailles que celle
de Paris.
    — Et la conquête en sera difficile ?
    — C’est ce dont se vantent les Espagnols qui répètent urbi
et orbi depuis longtemps : « Quand les Français prendront
Arras, les souris mangeront les chats. » N’oubliez pas que les
Anglais, quand nous assiégions Calais, avaient une vanterie de la même farine,
et bien que je la cite dans mes Mémoires, je n’arrive pas meshui à m’en
rappeler les termes.
    — Eh bien, je vais, moi, Monsieur, m’y essayer, et vous
le dirai, si j’y parviens.
    — M’amie, vous êtes un ange !
    — Voilà, Monsieur, qui vaut mieux qu’une bouche
exquise.
    — Dois-je m’excuser, m’amie ?
    — Point du tout. Un compliment fait toujours plaisir à
une femme, même lorsque par décence elle le rejette. Où logiez-vous pendant le
siège d’Arras ?
    — Tantôt à Amiens, mais le plus souvent à Douai avec le
roi.
    — Et fûtes-vous satisfait de votre hébergement ?
    — M’amie, que voilà une question captieuse, indiscrète
et peu historique !
    — Question à laquelle vous ne voulez pas cependant
répondre.
    — Si fait. Je fus logé chez une veuve et sa fille,
d’assez pauvres gens, sans valet ni chambrière,

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