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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Vierge », ou
« Sainte Marie ! », mais jamais « Dieu bon ! » ni
« Seigneur Dieu ! ». D’après ce que j’appris dans la suite quand
le vin leur eut délié la langue, Marie, la mère, avait eu un méchant père et un
méchant mari, tous deux étant morts en état de méchantise, indifférents au mal
qu’ils avaient fait autour d’eux. Raison sans doute pour laquelle sa fille
Anne-Marie, maugré sa ressemblance avec la Vénus de Botticelli, se refusait à
prendre mari. Raison qui expliquait aussi que mère et fille fussent
furieusement vouées au culte marial. Les murs de leur petit logement étaient
décorés par d’innombrables images de la Vierge, mais en revanche, on n’y voyait
pas un seul crucifix, ce qui me donna à penser que pour elles les puissances du
Ciel étaient bonnes dans la mesure où elles étaient féminines, l’indigne père
et l’indigne mari ayant banni à jamais le Seigneur de leurs oraisons.
    Je fus tenté de leur faire là-dessus quelques petites
remarques, par exemple que c’est à Jésus, et non pas à sa Mère, que nous devons
les Évangiles. Mais à la réflexion, je restai bouche cousue, craignant qu’elles
ne me rebufassent derechef en me lançant à la face : « Les
revetchians n’ont rin à dire. »
    Au départir, je les embrassai toutes deux sur leurs belles
joues rouges, ce qui les étonna fort venant d’un duc, et le comte de Sault,
après un moment d’hésitation, en fit autant.
     
    *
    * *
     
    Quant au roi, quand il réapparut dans Paris sa bonne ville,
acclamé de tout un peuple, il eut de prime un petit chagrin suivi d’une grande
joie. Ce chagrin, ce fut le petit dauphin qui le lui infligea à son retour en
Saint-Germain. À peine eut-il vu son père qu’il poussa des cris d’orfraie,
comme s’il voyait le diable, et appela sa mère à la rescousse. Louis entendit
aussitôt qu’Anne d’Autriche et sa coterie l’avaient en son absence desservi
auprès de son fils. Il ne perdit pas de temps. Il dit tout haut devant la Cour
qu’il y avait des femmes auprès de son fils qui instillaient en lui la peur des
hommes et que lesdites femmes, si elles continuaient leurs brouilleries,
pourraient bientôt « changer de garnison ». Quant à lui, il se
demandait s’il ne vaudrait pas mieux élever son fils dans un meilleur air que
Paris, et par exemple à Versailles ou à Chantilly.
    Jugez, lecteur, de la terreur desdites femmes à la pensée
d’être obligées de s’éloigner de la Cour…
    Ce petit discours fit merveille. Le petit dauphin, qui avait
deux ans, vint demander pardon à deux genoux au roi, et le roi lui donnant
alors des babioles qu’il avait apportées, ils jouèrent ensemble pendant une
heure. Dès cet instant, le dauphin ne voulut plus quitter son père. Richelieu
avait suivi toute cette brouillerie avec quelque anxiété, et se sentit fort
soulagé de cette heureuse conclusion, mais sentait en même temps grandir
démesurément sa misogynie. On m’a rapporté qu’il avait dit à cette
occasion : « Les griffes des femmes sont aussi perfides que celles
des chats et elles en usent férocement au gré de leurs changeantes
humeurs. »
    La contrariété que le dauphin avait donnée de prime au roi
laissa place au plus grand bonheur. Le vingt et un septembre 1640 à neuf heures
du soir, la reine accoucha d’un second fils de France que l’on prénomma
Philippe. La liesse fut grande en la Cour, en la ville et dans le pays, cette
seconde naissance consolidant prou la dynastie. Ce fut exprimé par le peuple de
Paris qui, aimant fort la famille royale, aimait aussi faire à son sujet de
petites gausseries. « Louis, dirent-ils, est un lapin, un fier lapin. Il
ne s’est pas contenté d’un dauphin, il s’est donné ensuite un dauphin de
rechange… »
    Heureux père, heureux général, et l’Espagnol partout en
recul, Louis avait pourtant, comme il aimait à dire, un caillou dans sa botte.
Et ce caillou, c’était le favori qu’il aimait, Cinq-Mars, le plus insufférable
coquelet de la Création. Bien que Cinq-Mars eût beaucoup à se glorifier dans la
chair, les bontés du Seigneur à son endroit s’étaient arrêtées là. Car il était
sans esprit, sans étude, ignorant de tout et, qui pis est, paresseux comme un
loir. Le comble, c’est qu’il se voulait croire si plein de talents et très
au-dessus de tous et de tout. Sa forfanterie eût été comique s’il n’avait
poussé les choses jusqu’à l’insolence la

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