Le grand voyage
guérisseuses se contentaient de la leur préparer. Oui, mais
elle en avait déjà bu deux fois. Et Broud l’avait damnée. Pour le Clan, elle était
morte. Qui d’autre lui interdirait d’en boire, maintenant ?
Machinalement, Ayla cassa une branche morte et s’en servit pour
creuser la terre et extraire soigneusement plusieurs pieds de la plante en
prenant garde de ne pas abîmer les racines. Comment aurait-elle renoncé, elle
était l’une des rares au monde à connaître leur propriété et à savoir les
préparer. Non qu’elle eût une envie particulière d’en consommer. Elle possédait
des tas de préparations d’herbe qu’elle n’utiliserait sans doute jamais. Certes,
c’était différent. Il s’agissait d’herbes médicinales comme les fils d’or, le
remède magique d’Iza pour lutter contre l’essence de l’homme. En application
externe, elles soulageaient les piqûres d’insecte. La plante qu’elle avait
devant les yeux n’avait aucune vertu curative. Sa magie était purement
spirituelle.
— Enfin, te voilà ! On commençait à s’inquiéter,
déclara Tholie en voyant Ayla revenir par le sentier. Jondalar était sur le
point d’envoyer Loup à ta recherche.
— Ayla, pourquoi es-tu partie si longtemps ? demanda
Jondalar. Tholie nous a dit que tu revenais tout de suite.
Sans s’en rendre compte, il avait parlé en Zelandonii, ce qui
prouvait son inquiétude.
— Le sentier continuait, et j’ai eu envie de voir où il
menait. Ensuite j’ai trouvé ce que je cherchais, expliqua Ayla en montrant sa
collecte. Cette région ressemble beaucoup à celle où j’ai passé mon enfance. Il
y a des plantes que je n’avais jamais revues depuis.
— Était-ce si urgent ? A quoi sert celle-là par
exemple ? demanda Jondalar en montrant les fils d’or.
Ayla le connaissait assez pour comprendre que sa colère était le
fruit de son inquiétude, mais sa question la prit au dépourvu.
— C’est... c’est pour... c’est contre les piqûres,
bredouilla-t-elle, gênée.
Elle avait le sentiment de mentir, même si sa réponse était
parfaitement exacte. Incomplète, mais exacte. Ayla avait été élevée comme une
femme du Clan, et les femmes du Clan n’avaient pas le droit de refuser de
répondre à une question, surtout venant d’un homme. D’un autre côté, Iza avait
bien insisté pour qu’elle ne dévoilât jamais le pouvoir des minces fils dorés,
et surtout pas à un homme. Même Iza n’aurait pas pu refuser de répondre à la
question de Jondalar, mais elle n’aurait jamais eu à affronter un tel dilemme.
Aucun homme du Clan n’aurait posé une question sur les plantes à une
guérisseuse, et encore moins sur son art. Dans l’esprit d’Iza, Ayla devait s’abstenir
de fournir des informations avant d’en avoir été priée.
Il était permis de ne pas tout dire, mais uniquement par courtoisie,
ou pour préserver la vie privée d’autrui, et Ayla était bien consciente d’avoir
outrepassé cette restriction. Elle avait délibérément dissimulé une
information. Elle avait le droit d’administrer la drogue si elle le jugeait
nécessaire, mais Iza l’avait prévenue du risque qu’elle encourait si on
découvrait qu’elle connaissait le moyen de vaincre le plus puissant des esprits
et d’empêcher ainsi toute grossesse. Le danger était encore plus grand si un
homme apprenait son secret, qui devait rester l’apanage des seules
guérisseuses.
Une pensée lui traversa l’esprit. Si la drogue magique d’Iza
était capable de L’empêcher de répandre Sa bénédiction dans le corps d’une
femme, était-elle donc plus forte que la Mère ? Était-ce concevable ?
Pourtant, puisqu’Elle avait créé toutes les plantes, Elle avait aussi créé
celle-là ! On était obligé d’en déduire qu’Elle avait voulu aider les
femmes pour qui une grossesse représenterait un danger. Mais alors, pourquoi si
peu de femmes connaissaient-elles ce secret ? Et s’il y en avait plus qu’elle
ne le croyait ? Peut-être les femmes sharamudoï utilisaient-elles cette
plante puisqu’elle poussait dans leur région. Si elle le leur demandait, lui
répondraient-elles ? D’un autre côté, si elles ignoraient son usage,
comment leur demander sans dévoiler le secret ? Mais puisque la Mère l’avait
créée pour aider les femmes, n’était-il pas légitime de les renseigner ?
Ayla était assaillie de questions dont elle ne connaissait pas l’es réponses.
— Quel
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