Le grand voyage
oiseaux majestueux aux longues pattes et
au long bec. Ils se nourrissaient avec frénésie, marchant, courant sur l’île ou
dans l’eau peu profonde, attrapant tout ce qui bougeait d’un coup de bec :
poissons, lézards, grenouilles, insectes, ou vers de terre. Ils dévoraient même
la charogne, à en juger par la façon dont ils se ruèrent sur la carcasse d’un
bison échouée sur la rive. Les deux espèces se ressemblaient quant à la forme
mais les cigognes blanches, plus nombreuses, avaient le bout des ailes noir,
alors que les cigognes noires avaient le ventre blanc et pêchaient dans l’eau
pour la plupart.
— Nous avons vu des chevaux en revenant, raconta Ayla en
déchargeant les lagopèdes et les perdrix. Surtout des juments et quelques
poulains. Une bande de mâles tournait autour. L’étalon dominant était blanc.
— Blanc ?
— Oui, aussi blanc que ces cigognes. Il n’avait même pas
les jambes noires, précisa-t-elle en dénouant les sangles du porte-paniers. On
ne le distinguerait pas dans la neige.
— Un cheval blanc ? C’est rare. Je n’en ai jamais vu.
D’un coup, il repensa à Noria et à la cérémonie des Premiers
Rites. Il se souvint d’une peau de cheval blanche accrochée au mur, derrière la
couche, et décorée avec les têtes de jeunes pics épeiches.
— Ah, si ! Un jour j’ai vu la dépouille d’un cheval
blanc, rectifia-t-il. Quelque chose dans l’intonation éveilla l’attention d’Ayla.
Jondalar surprit son regard et, gêné, se tourna pour ôter le porte-paniers du
dos de Whinney.
— C’était pendant... pendant la cérémonie des Hadumaï, se
sentit-il obligé de préciser.
— Les Hadumaï sont-ils des chasseurs de chevaux ?
Elle plia la couverture de Whinney, ramassa les oiseaux morts et
se dirigea vers la rivière.
— Oui, dit Jondalar en l’accompagnant, pourquoi ?
— Tu te souviens que Talut nous avait parlé d’une chasse au
mammouth blanc ? L’animal était sacré parce que les Mamutoï sont des
chasseurs de mammouths. Alors si les Hadumaï utilisent la dépouille d’un cheval
blanc dans leur cérémonie, je me demande si les chevaux n’ont pas une
importance particulière à leurs yeux.
— Je ne sais pas, nous ne sommes pas restés assez longtemps
chez eux.
— Mais chassent-ils les chevaux ? insista Ayla en
commençant à plumer les volatiles.
— Oui, c’est d’ailleurs ce qu’ils faisaient quand Thonolan
les a rencontrés. Ils nous ont mal accueillis parce que nous avions effrayé la
bande qu’ils pistaient. Nous l’ignorions, bien sûr.
— J’ai bien envie d’attacher Whinney près de la tente pour
cette nuit. Si des chasseurs de chevaux traînent dans les parages, je préfère
savoir où elle est. En plus, je n’ai pas apprécié la façon dont l’étalon blanc
venait la chercher.
— Tu as peut-être raison. Je ferais mieux d’attacher Rapide
aussi. Mais j’aimerais tout de même voir cet étalon blanc.
— Eh bien, moi j’aimerais autant ne pas le revoir ! Il
s’intéressait un peu trop à Whinney. Mais, c’est vrai qu’il est très beau. Et
très rare.
Les plumes qu’Ayla arrachait aux oiseaux d’un geste rapide
voletaient autour d’elle. Elle s’immobilisa soudain, comme pour mieux
réfléchir.
— Le noir aussi est rare, reprit-elle. C’est Ranec qui l’affirmait,
tu t’en souviens ? Il devait penser à lui en disant cela, même s’il était
plus brun que noir.
Jondalar ressentit un pincement au cœur. Sa jalousie se réveilla
au nom de l’homme avec qui Ayla avait failli s’unir. C’était pourtant avec lui,
Jondalar, qu’elle avait choisi de partir.
— Regrettes-tu les Mamutoï ? Tu aurais peut-être
préféré t’unir à Ranec ?
Elle interrompit son ouvrage et le regarda en face.
— Jondalar ! Tu sais très bien que je m’étais promise
à Ranec uniquement parce que je croyais que tu ne m’aimais plus. Alors que
Ranec m’aimait, lui... Mais c’est vrai que je regrette les Mamutoï. Si je ne t’avais
pas rencontré, j’aurais pu vivre heureuse avec eux... et avec Ranec. D’une
certaine façon, je l’aimais... Mais pas autant que toi.
— Eh bien, voilà une réponse honnête !
— J’aurais aussi pu rester chez les Sharamudoï, mais je
veux être toujours là où tu es. Tu veux retourner chez les tiens, alors je veux
y aller aussi, poursuivit Ayla, désireuse de s’expliquer.
A la mine déconfite de Jondalar, elle comprit que ce
Weitere Kostenlose Bücher