Le grand voyage
imposantes.
Tout à ses sombres pensées, Jondalar mit du temps à réagir à l’occasion
qui se présentait d’abattre un bison. Enfin, il s’empara de son propulseur et
de sa sagaie, mais Ayla avait déjà évalué la situation d’une tout autre
manière.
— Aouh ! Aouh ! Fichez le camp ! Allez
ouste, saletés de bêtes ! hurla-t-elle.
Elle brandit sa fronde et poussa Whinney au galop. Les pierres
fusèrent. Aux côtés de la jument, Loup, ravi, menaçait les hyènes qui battaient
en retraite, à grand renfort de grognements mêlés de jappements de chiot.
Des hurlements aigus apprirent à Ayla qu’elle avait touché sa
cible, bien qu’elle ait retenu son bras et n’ait pas visé de points vitaux. Ses
pierres eussent été fatales si elle l’avait voulu. Ce n’aurait pas été la
première fois qu’elle tuait une hyène.
— Qu’est-ce que tu fais, Ayla ? s’étonna Jondalar en
la rejoignant près du bison tué.
— J’éloigne ces bêtes répugnantes, répondit-elle sans plus
de détail.
— Oui, mais pourquoi ?
— Parce que je doute qu’elles partagent avec nous ce bison
mort.
— Mais j’allais en abattre un autre !
— Nous n’avons pas besoin d’un bison entier, à moins de
faire sécher sa viande. Celui-ci est jeune et tendre. Les autres étaient de
vieux taureaux coriaces, expliqua-t-elle en descendant de Whinney pour tenir
Loup à l’écart du cadavre.
Jondalar regarda mieux les taureaux gigantesques que le tapage d’Ayla
avait fait reculer, puis le jeune bison gisant sur le sol.
— Tu as raison. C’est un troupeau de mâles. Celui-là n’a
pas dû quitter sa mère depuis longtemps. Il avait encore beaucoup à apprendre.
— La carcasse est fraîche, conclut Ayla après l’avoir
examinée. Elles ont déchiqueté la gorge, les boyaux et une partie des flancs.
Prenons ce qu’il nous faut et laissons-leur le reste. Pas besoin de perdre
notre temps à en chasser un autre. D’autant plus qu’ils courent vite et
pourraient nous échapper. Tu sais, je crois bien avoir repéré, près de la
rivière, un endroit qui ressemble à un camp. Si c’est celui que nous cherchons,
j’aurai encore le temps de cuisiner quelque chose de bon pour ce soir, avec
cette viande et tout ce que nous avons ramassé.
Avant que Jondalar eût saisi le sens de ce qu’elle venait de dire,
elle taillait déjà dans la peau, de l’estomac au flanc. Tout s’était passé très
vite. Soudain, sa hantise d’un jour perdu à chasser et à chercher le campement
avait disparu.
— Ayla, tu es merveilleuse ! s’exclama-t-il en
descendant du jeune étalon.
D’un fourreau de cuir brut attaché à sa ceinture, il sortit un
silex aiguisé, engagé dans un manche en ivoire, et aida la jeune femme à
dépecer le bison.
— Voilà ce que j’aime chez toi, reprit-il. Tu me surprends
sans cesse avec des idées excellentes. Tiens, prenons aussi la langue. Dommage
que les hyènes aient déjà dévoré le foie, mais c’était leur proie, après tout.
— Oh, moi je m’en moque, du moment que la viande est
fraîche ! Elles m’ont assez volée, à mon tour de me servir ! Je
déteste les hyènes !
— Oui, on dirait. Je ne t’ai jamais entendue parler comme
ça des autres animaux, même pas des gloutons. Pourtant, eux aussi mangent
parfois des charognes, ils sont plus vicieux et ils puent encore plus. De
nouveau, les hyènes s’approchaient en grondant du festin convoité. Ayla les
chassa à coups de pierres. L’une d’elles poussa un cri, d’autres ricanèrent
avec une cruauté qui fit frissonner Ayla. Au moment où les bêtes immondes
décidèrent d’affronter encore une fois la fronde, Ayla et Jondalar avaient fini
de se servir.
Ayla ouvrant la piste sur Whinney, ils retournèrent vers la
rivière en suivant une ravine. Les fauves se précipitèrent sur la carcasse
abandonnée et se mirent à la déchirer voracement.
Ce qu’Ayla avait aperçu n’était pas le campement proprement dit,
mais un cairn indiquant la direction à suivre. Sous la pile de pierres, on
avait enfoui des rations de secours, quelques outils, une drille à feu, une
pièce de bois plate et de l’amadou ainsi qu’une couverture de fourrure plutôt
rigide, et qui perdait ses poils par pleines plaques. Elle protégerait encore
du froid mais il serait bon de la remplacer. Presque au sommet du cairn, la
pointe brisée d’une défense de mammouth, solidement maintenue par de lourdes
pierres, indiquait un
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