Le grand voyage
jambe.
Au bout de plusieurs échecs, elle avait fini par découvrir la
manière d’utiliser la pierre à feu. Maintenant, elle savait faire du feu plus
vite que quiconque muni d’une drille à feu, d’amadou, et ne rechignant pas à l’effort,
n’oserait imaginer. La première fois que Jondalar l’avait vue faire, il n’en
avait pas cru ses yeux, et cette pure merveille avait contribué à ce que le
Camp du Lion l’adoptât quand Talut l’avait voulu. Ils avaient cru en un tour de
magie.
Ayla, elle, croyait que la pierre était magique. Ignorant si
elle en trouverait ailleurs, Jondalar et elle avaient ramassé autant de pierres
métalliques qu’ils avaient pu en emporter avant de quitter la vallée. Ils en
avaient distribué à ceux du Camp du Lion et à d’autres Mamutoï, mais il leur en
restait encore beaucoup. Jondalar voulait les partager avec les siens. Faire
rapidement du feu était un grand avantage en maintes circonstances.
A l’intérieur du cercle de pierres, la jeune femme entassa des
copeaux d’écorces très sèches, avec du duvet d’épilobe comme amadou, et prépara
à côté un tas de brindilles et un autre de petit bois pour l’allumage. S’agenouillant
près de l’amadou, Ayla maintint le morceau de pyrite magique à un angle qu’elle
savait être le plus efficace, puis avec un silex frappa au milieu de la pierre
jaunâtre, sur un sillon que l’usage avait creusé. Une grande étincelle jaillit
et tomba sur le duvet d’épilobe, qui se mit aussitôt à fumer. Ayla le protégea
de ses mains et souffla doucement dessus. Elle obtint une braise incandescente
d’où fusa une gerbe d’étincelles. Bientôt, une flamme apparut. Elle ajouta des
brindilles, du petit bois, et une fois le feu lancé, elle posa dessus une bûche
de bois mort.
Lorsque Jondalar revint, Ayla avait mis à chauffer dans le feu
plusieurs pierres rondes ramassées au bord de la rivière, et un beau morceau de
bison cuisait à la broche dans un agréable grésillement de graisse. Elle avait
lavé des racines de prêle qu’elle était en train de couper, ainsi qu’un
tubercule à la peau marron foncé, et elle s’apprêtait à les jeter dans un
panier imperméable rempli d’eau où attendait déjà la langue de bison, riche en
graisse. Des carottes sauvages complétaient le repas. Jondalar déposa sa charge
de bois.
— Hmm ! Comme ça sent bon. Que prépares-tu ?
— Un rôti de bison, mais nous le garderons pour le voyage.
La viande froide est plus facile à manger en route. Pour ce soir et demain
matin, je fais de la soupe de légumes avec la langue et ce qui nous reste du
Camp des Fougères.
A l’aide d’un bâton, elle sortit une pierre brûlante du feu, et
l’épousseta avec une branchette feuillue. Avec deux bâtons qu’elle utilisa
comme une pince, elle souleva la pierre et la plongea dans le panier où
trempait la langue. La pierre chanta au contact de l’eau. Ayla ajouta
rapidement d’autres pierres chaudes, quelques herbes hachées menu, et ferma le
panier avec un couvercle.
— Qu’est-ce que tu mets dans la soupe ?
Ayla sourit. Jondalar aimait connaître ses recettes, même celles
des infusions. Encore un trait de son caractère qui l’avait surprise, aucun
homme du Clan n’aurait osé montrer un tel intérêt, aussi curieux eût-il été,
pour ce qui constituait la mémoire des femmes.
— En plus de ces racines, j’ajouterai la verdure de ces
prêles, les bulbes, les feuilles et les fleurs de ces oignons verts, des tiges
de chardons, pelées et émincées, les pois des gousses d’astragale, et je
mettrai de la sauge et des feuilles de thym, pour donner du goût. Peut-être
aussi des pas-d’âne pour saler. Si nous passons près de la mer de Beran, nous
pourrions ramasser du sel. Nous n’en manquions jamais quand je vivais avec le
Clan, précisa-t-elle. Pour accompagner le rôti, j’ai bien envie de faire une
purée avec le raifort que nous avons trouvé ce matin. C’est un truc que j’ai
appris à la Réunion d’Été. Il n’en faut pas beaucoup, mais ça donne à la viande
un goût épicé assez agréable. Je crois que tu aimeras.
— A quoi servent ces feuilles ? demanda-t-il, en
désignant un bouquet qu’elle avait pris sans le mentionner.
— C’est de l’ansérine pour envelopper le rôti,
répondit-elle. C’est bon avec de la viande froide. (Elle hésita, pensive.) Je
vais peut-être saupoudrer la viande de cendres, cela donne un petit goût
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