Le grand voyage
la
Mère, et elle s’identifia à la jeune femme.
— Nous resterons le temps que nous pourrons, rectifia
Jondalar qui n’oubliait pas le glacier à traverser. La question est :
comment persuader Attaroa de libérer les hommes ?
— Elle te craint, Ayla, affirma la chamane, tout comme
nombre de ses Louves. Et celles qui n’ont pas peur t’admirent. Les S’Armunaï
sont des chasseurs de chevaux. Nous chassons aussi d’autres animaux, y compris
les mammouths, mais ce sont les chevaux que nous connaissons le mieux. Au nord,
il y a une falaise où nous les précipitons depuis des générations. Tu ne peux
nier le pouvoir magique que tu exerces sur les chevaux, Ayla. On a peine à
croire à un tel mystère, même en le voyant.
— Il n’y a rien de mystérieux là-dedans, grogna Ayla. J’ai
adopté la jument quand elle n’était qu’un jeune poulain. Je vivais seule à l’époque
et elle était mon unique amie. Whinney fait ce que je lui demande parce qu’elle
le veut bien, parce que nous sommes amies, essaya-t-elle d’expliquer.
Elle avait nommée Whinney en émettant un léger hennissement.
Habituée à voyager seule avec Jondalar et les animaux, elle avait
inconsciemment repris l’ancienne prononciation. Le son qui sortit de la bouche
de la jeune femme troubla S’Armuna, et l’idée qu’on pût être amie avec un
cheval lui semblait au-delà de la compréhension. Mais bien qu’Ayla eût dénié
toute magie, elle n’avait fait que renforcer la conviction de S’Armuna.
— Sans doute, concéda la chamane.
Mais elle pensait : tu as beau essayer de faire croire que
c’est naturel, tu n’empêcheras pas qu’on se demande d’où tu viens et ce que tu
fais ici.
— Les femmes pensent... et espèrent que tu es venue pour
les aider, reprit-elle. Elles ont peur d’Attaroa, mais grâce à toi, et à
Jondalar, elles auront le courage de se révolter et de libérer les hommes.
Elles ne se laisseront peut-être plus intimider aussi facilement.
Ayla, oppressée, éprouvait un besoin urgent de respirer l’air
pur.
— J’ai bu trop d’infusion, déclara-t-elle en se levant. Il
faut que je sorte uriner. Indique-moi où je puis aller, S’Armuna. Nous en
profiterons pour rendre visite aux chevaux, ajouta-t-elle après avoir écouté
les explications de la chamane. Peut-on laisser les jattes ici en
attendant ? Ça refroidit vite, constata-t-elle en soulevant un des
couvercle. Dommage, ce serait meilleur chaud.
— Bien sûr, laisse-les ici, dit S’Armuna qui but les
dernières gorgées d’infusion en regardant les deux étrangers sortir.
Peut-être qu’Ayla n’était pas une incarnation de la Grande Mère,
et que Jondalar était vraiment le fils de Marthona, mais la certitude que la
Mère exigerait un jour Son dû tourmentait gravement Celle Qui Sert la Mère.
Elle était S’Armuna, elle avait troqué son identité contre le pouvoir du monde
des esprits et elle avait la charge de ce Camp, hommes et femmes confondus. La
Mère lui avait confié le soin de veiller au bien-être spirituel de ce Camp, et
la garde de Ses enfants. S’Armuna n’ignorait pas que vu de l’extérieur, par les
yeux de celui qui avait servi à lui rappeler son vœu, comme par ceux de la
femme aux pouvoirs étranges, elle avait lamentablement échoué. Elle espérait
seulement qu’Elle lui accorderait la possibilité de se racheter et d’aider son
Camp à retrouver une vie saine et normale.
32
Du seuil, S’Armuna regarda les deux étrangers s’éloigner. Elle
vit Attaroa et Epadoa, postées devant l’habitation de la Femme Qui Ordonne, se
retourner pour les observer. La chamane allait rentrer quand elle remarqua qu’Ayla
changeait brusquement de direction, et se dirigeait vers la palissade. La
manœuvre n’avait pas échappé à Attaroa et à sa Louve qui s’avancèrent à grandes
enjambées pour couper la route de la jeune femme. Elles atteignirent l’Enclos
presque en même temps, bientôt rejointes par la vieille femme.
Par les fentes de la palissade, Ayla regarda les visages et les
yeux qui l’observaient en silence derrière les énormes pieux. Ce qu’elle vit la
bouleversa. Les hommes étaient sales, hirsutes, et déguenillés, mais le pire
était encore la puanteur qui se dégageait de l’Enclos. Au-delà des effluves
nauséabonds, l’odorat aguerri d’Ayla perçut le caractère infectieux de la
pestilence. D’habitude, les odeurs corporelles ne l’incommodaient pas, ni même
une
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