Le grand voyage
pourtant des différences. Lorsque la jeune femme leva
les bras pour secouer le tapis de sol, il remarqua sa peau plus blanche à la
naissance des seins, et eut un désir subit de comparer toutes les nuances de
son corps. Il fallut qu’Ayla cesse de travailler pour qu’il réalisât qu’il
était resté bouche bée. Leurs regards se croisèrent et Ayla lui sourit.
Le désir de Jondalar prit une forme plus insistante et il pensa
avec satisfaction que si l’envie le prenait de partager les Plaisirs avec elle,
là, tout de suite, elle y consentirait. Dans ce domaine, aussi, il pouvait
compter sur sa disponibilité. Il lui rendit son sourire.
Le campement installé, Ayla voulut explorer la vallée. Les
régions boisées étaient rares en pleine steppe, et sa curiosité s’en trouvait
aiguisée. Il y avait des années qu’elle n’avait vu semblable végétation.
Jondalar était curieux, lui aussi. Après l’expérience de l’ours
près du petit bois, il voulait s’assurer qu’il n’y avait pas de traces d’animaux
dans les parages. Ayla prit sa fronde et un panier pour la cueillette, Jondalar
son propulseur et quelques sagaies, et ils pénétrèrent dans la saulaie. Ils
laissèrent les chevaux brouter, mais Loup ne résista pas au plaisir de les
accompagner, excité au plus haut point par cette profusion d’odeurs nouvelles.
Après les saules, ils dépassèrent des aulnes, puis des bouleaux
et des mélèzes, et peu à peu, les pins furent plus fréquents. Ayla ramassa
vivement quelques pommes de pin dont elle appréciait les pignons, mais les
rares arbres aux larges feuilles ne lui étaient pas familiers. Arrivés là où la
pente commençait à s’élever, ils découvrirent un espace planté uniquement de
hêtres.
Ayla les étudia attentivement, les comparant avec ceux qui
poussaient près de la caverne de son enfance. L’écorce était lisse et cendrée,
les feuilles ovales et dentelées, d’un blanc soyeux à l’intérieur. Les petites
noix brunes enchâssées dans leur coquilles rugueuses n’étaient pas encore
mûres, mais le sol jonché de faînes et de cupules de l’année précédente
témoignait de l’abondance de la récolte. Elle se rappela que les faînes des
hêtres se cassaient difficilement. Les arbres, de taille respectable pourtant,
n’étaient pas aussi grands que ceux de son souvenir. Elle remarqua alors d’étranges
plantes qui poussaient au pied des hêtres et s’accroupit pour les examiner.
— Tu ne vas pas ramasser ça, s’étonna Jondalar. Ces plantes
n’ont plus de feuilles, on dirait qu’elles sont mortes.
— Non, elles ne sont pas mortes, corrigea Ayla. Elles
poussent ainsi, c’est tout. Tiens, touche comme elles sont fraîches !
Elle brisa le sommet de la tige d’une trentaine de centimètres
dépourvue de feuilles, mais où de fins rameaux poussaient sur toute la hauteur.
La plante entière, boutons compris, était d’un rouge terne, sans la moindre
trace de vert.
— Elle pousse sur les racines d’autres plantes, expliqua
Ayla. Lorsque je pleurais, Iza m’appliquait sur les yeux une plante similaire.
Certains en avaient peur parce qu’elle rappelait la peau des morts. D’ailleurs,
on la nommait parfois la... euh... quelque chose comme la plante du mort, ou la
plante du cadavre. (Le regard dans le vague, elle se plongea dans ses
souvenirs.) Iza croyait mes yeux fragiles parce que de l’eau en coulait quand j’étais
triste. Cela l’inquiétait. Alors, elle ramassait cette plante, et en pressait
le jus dans mes yeux. S’ils me brûlaient d’avoir trop pleuré, cela me
soulageait. Mais je ne sais pas si celle-ci serait bonne pour les yeux,
reprit-elle après réflexion. Iza l’utilisait aussi pour les petites coupures et
les bleus, et pour certaines tumeurs.
— Et quel est son nom habituel ?
— Je crois que dans ta langue, on dirait... comment
appelles-tu ces arbres, Jondalar ?
— Je ne sais pas, il n’y en avait pas dans ma région. Mais
je crois que les Sharamudoï les appellent des hêtres.
— Dans ce cas, le nom de la plante serait « larme de
hêtre », conclut-elle en se levant et en époussetant ses mains.
Soudain, Loup se figea, museau pointé vers le sous-bois.
Jondalar reconnut la position d’arrêt que le loup avait prise en sentant l’ours.
Il saisit une sagaie et la plaça sur la rainure de son propulseur, une pièce de
bois de la taille d’une demi-sagaie qu’il tint à l’horizontale dans sa main
droite.
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