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Le héron de Guernica

Le héron de Guernica

Titel: Le héron de Guernica Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Antoine Choplin
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rétorque Julian. Allez, direction Santa Maria.
    Priez le Seigneur. Ensemble, demandons grâce à Dieu le Père tout-puissant.
    Les yeux de Basilio s’acclimatent à la pénombre étrange, peuplée de toutes les silhouettes prostrées et indistinctes.
    Regarde-moi ça, souffle Augusto. Cette vieille buse s’est perchée dans son nid. Je parierais bien qu’il n’a jamais vu autant de monde dans sa cahute.
    Du haut de sa chaire, le père Iturran exhorte la foule à la prière et au recueillement.
    Prions pour la rémission de nos péchés, implorons l’indulgence du Très-Haut, continue le curé, les bras levés vers le ciel.
    Sur la route du Très-Haut, dit Augusto à voix haute, on pourra faire une pause auprès des pilotes de bombardiers, histoire de voir ce qu’ils en pensent.
    Ils se tiennent là debout, non loin du bénitier, Augusto bien calé entre Julian et Basilio.
    Tu veux que je te dise, Basilio.
    Basilio se tourne vers son oncle. Le regard d’Augusto est tendu vers Iturran.
    J’aimerais bien savoir qui sont ses amis, à ce fichu rapace.
    Il a parlé entre ses dents, sans bouger les lèvres.
    En tout cas, on en raconte de belles sur son compte, ajoute Julian.
    Et comme par hasard, reprend Augusto, son église à lui, y a rien qui lui tombe dessus. Elle est comme neuve, dis donc.
    Ils font quelques pas dans l’allée centrale en direction de l’autel. Augusto laisse traîner ses béquilles et accroche aussi souvent que possible, de part et d’autre, les montants en bois des agenouilloirs. Le curé s’est arrêté de parler. Au moment où ils passent sous la chaire, Augusto lève les yeux.
    Excusez pour le dérangement, il dit, mais après tout, ça fait tout de même moins de bruit qu’une escadrille de Junker-52, pas vrai curé ? Allez, aide-moi Basilio, que je m’assoie comme il faut.
    Et sous le regard sévère du père Iturran, Augusto prend place sur l’un des premiers bancs juste devant l’autel.
    Allons, tout le monde est le bienvenu dans la maison du Seigneur, finit par déclarer le prêtre.
    Quelle mansuétude, fait Augusto. Bon, et mon vieil ami Julian, comment est-ce qu’il va faire si on se pousse pas un peu ?
    Ceux du banc se tassent comme ils peuvent.
    Julian s’installe à son tour. Basilio s’assoit à même le sol dallé.
    Le curé a cessé de regarder vers Augusto. Il a les mains jointes sur la poitrine et les paupières closes. Ses lèvres remuent à peine.
    Par instants, à l’unisson des fracas, on peut voir tressaillir les nuées de poussières suspendues dans le halo des lampes.
    Et un cri bref et collectif s’élève, parfois pris dans une inspiration d’effroi.
    Sur les marches de l’autel, un gitan est assis en tailleur et tient une guitare debout entre ses jambes. Son regard est fixe, ses yeux humides. Il ne cille pas.
    C’est ça qu’il nous faudrait, dit Augusto.
    Quoi donc, demande Julian.
    Ce qu’il nous faudrait, c’est un peu de musique, histoire de nous donner du courage. Pas vrai, gitan.
    Le gitan semble ne pas entendre.
    Moi je dis : rien de tel qu’un peu de guitare. Hein, gitan.
    Le gitan, toujours immobile, regard perdu.
    Il est sourd ou quoi. Gitan ?
    Le gitan lève les yeux vers Augusto. Ses traits apparaissent, inertes, dénués de toute expression.
    On se disait qu’un peu de musique, ça pourrait nous faire passer un moment, dit Augusto.
    Le gitan demeure figé.
    Ça m’étonnerait qu’il joue, dit une femme à côté de lui.
    Et pourquoi qu’il jouerait pas, demande Augusto.
    Elle hésite.
    C’est tout une histoire.
    On entend grossir le ronronnement d’un moteur d’avion.
    Les conversations s’interrompent, les échines se courbent. Une femme se met à geindre, en petites séquences aiguës.
    L’avion passe dans le ciel de Guernica et, les yeux grands ouverts, pendant quelques dizaines de secondes, on se tient dans l’attente des fracas.
    Mais cette fois, rien ne se produit.
    Et alors, reprend Augusto, tu vas nous le dire pourquoi qu’il jouerait pas un air de guitare, le gitan ?
    La femme regarde vers Augusto, puis vers les gens assemblés autour d’elle. Elle passe ses deux mains dans ses cheveux longs et bruns.
    Remarque, dit encore Augusto, peut-être qu’il pourrait nous expliquer ça lui-même.
    Antonio Torres Heredia a cessé de parler le 14 août de l’année dernière, dit la femme.
    Des visages se tournent vers elle et aussi vers le gitan assis à ses côtés.
    Avant cette date, il était un musicien et un

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