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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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dévisager. Vaguement vexé, il se promit à lui-même qu’un jour on le saluerait comme un seigneur et, pourquoi pas ? puisque la prédiction le disait, comme un prince.
    Il se redressa et s’arrêta net en sentant l’ambiance qui régnait dans la Kalsa. Il s’attendait à voir un quartier aux étals aussi colorés que les étendards qui flottaient sur les remparts. Au lieu de cela, il se trouva sur une placette d’où partait un enchevêtrement de ruelles désertes. Le seul mouvement était celui des tourbillons de poussière que levait le vent du sud. Les gens qui le précédaient avaient disparu comme par enchantement et, hormis les soldats près de la porte, il était seul.
    Le jeune homme claqua la langue, encourageant sa jument à avancer. L’animal était nerveux et son attitude renforça le sentiment de malaise qui envahissait Tancrède. Les volets étaient tirés, les portes closes, et ce n’était pas à cause de la chaleur matinale. Il contempla les restes d’une maison incendiée. Que s’était-il passé ? Il arrêta sa bête et observa les grilles de bois des moucharabiehs qui le surplombaient. Le malaise se doublait d’une impression de danger. Le refrain de sa chanson favorite lui revint et il le fredonna entre ses dents autant pour se donner du courage que pour apaiser sa monture :
    La sirène en mer hante
Contre tempête chante...
    Il se tut, tant le faible écho de sa voix était sinistre. Il allait s’éloigner ainsi que son maître le lui avait ordonné quand il entendit le trot d’un cheval.
    — Ne traînons pas ici, jeta Hugues. Suivez-moi !
    Et d’autorité, l’Oriental poussa sa monture vers une ruelle si étroite que leurs bottes frottaient la chaux des murs.
    Ils débouchèrent bientôt sur une place où se dressait la tour d’un pilori. En haut de la bâtisse, têtes et mains immobilisées dans des carcans, plusieurs prisonniers musulmans se tenaient debout, le visage maculé de boue et d’immondices. Des écriteaux étaient posés au pied de chacun déclinant leurs noms.
    Un homme de garde les dévisagea et cracha par terre. Hugues de Tarse entraîna son protégé plus avant. Il était inquiet et ne se donnait plus la peine de le cacher. Devant eux, plusieurs maisons avaient été dévastées, portes arrachées de leurs gonds, volets cassés, affaires personnelles jetées dehors, meubles brûlés, tentures et tapis en lambeaux, coussins éventrés.
    — Que se passe-t-il ? demanda le Normand qui se sentait de plus en plus nerveux au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la Kalsa. Peut-être devrions-nous faire demi-tour ?
    — Ici vivent les musulmans de Palerme. Avant l’arrivée des Normands, c’était la Khalisah, l’« Élue », le quartier fortifié où vivaient l’émir et sa cour. Des notables comme le géographe Al-Idrisi et bien d’autres y possèdent leur maison.
    — » Possédaient » serait plus exact, marmonna Tancrède dont la main avait glissé vers la garde de son épée.
    Comme pour tromper l’anxiété de son compagnon et la sienne, Hugues poursuivit :
    — C’était un quartier joyeux... autrefois. Les enfants couraient dans les rues, les femmes voilées allaient à la fontaine ou au souk, les hommes restaient à causer jusqu’à la nuit tombée et il n’était pas une rue sans un étal d’artisan. Des gamins vous abordaient pour vous proposer de l’eau fraîche, des figues, des oranges ou des pâtisseries dégoulinantes de miel doré...
    — Vous ne m’avez pas dit ce qui s’est passé.
    — Je ne le sais pas plus que vous. Venez, nous arrivons. Enfin, je l’espère...
    Quelques instants plus tard, Hugues mettait pied à terre devant une maison d’apparence solide. Un large portail de bois et une petite porte bardée de fer en défendaient les accès. Il saisit l’anneau de métal et frappa. Un guichet s’entrouvrit presque aussitôt. Le haut d’un visage apparut. Deux yeux noirs les dévisageaient.
    — Mon nom est Hugues de Tarse, se présenta le Gréco-Syrien. Dis à ton maître que je suis de retour et que je désire le voir.
    — Passez votre chemin. Mon maître ne reçoit personne.
    Le guichet allait se refermer, mais Hugues avait été plus rapide : une médaille était apparue entre ses doigts. Il la tendit au gardien et ordonna d’un ton sec :
    — Donne ça à ton maître !
    L’autre se saisit de l’objet et repoussa le volet de fer. L’attente ne fut pas longue. Le portail situé à

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