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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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à taquiner la petite fibule d’étain qui fermait le col raide de Louis. Il ne fit rien. Elle demanda, tout en se moulant contre lui d’une manière provocante :
    — On dit que vous préférez les hommes. Est-ce vrai ?
    — Les gens racontent n’importe quoi.
    — Ce serait bien dommage. Pour nous autres, les femmes, en tout cas. Mon beau patron. Beau à damner une sainte.
    Louis ne bougea toujours pas. Il n’éprouvait aucune attirance envers Bertine, ni envers aucune autre putain, d’ailleurs, mais il ne savait comment lui avouer la chose sans paraître indélicat. Bertine mit quelques secondes avant de réaliser qu’il avait ouvert la main juste à côté d’elle.
    La mine boudeuse, elle lui remit les quatre deniers de sa taxe hebdomadaire et recula. Louis les empocha sans un mot.
    Bertine ne s’en allait pas. Il se demanda pourquoi. Il lui dit, d’une voix neutre :
    — C’est bon, tu peux t’en aller.
    — Écoutez…
    Elle prit une profonde inspiration.
    — Voilà… J’y ai mûrement réfléchi et madame est d’accord. J’aurai l’air de quoi dans cinq ou dix ans, infirme comme ça, lorsque je serai devenue trop vieille pour le métier ? J’ai besoin de mon bras. Si vous m’arrangiez cela, peut-être que… Et puis j’ai pensé… que ça me rendrait plus séduisante.
    Louis ne réagit toujours pas. Elle se fâcha :
    — Merde, avez-vous les couilles comme des abricots secs, ou quoi ? N’allez surtout pas croire que je fais ça pour vous, hein ?
    — J’avais compris. Et change de ton si tu ne veux pas que je t’esquinte l’autre bras.
    Elle blêmit et se rassit, soudain docile. Louis se versa un gobelet de cidre et s’assit à son tour sur le coffre.
    — Ce n’est pas facile, ce que tu me demandes là.
    — Sans doute que non. Mais je vous fais confiance. À vous plus qu’aux mires.
    Si elle s’attendait à ce qu’il ait l’air flatté par cette remarque, elle fut déçue.
    — Tu n’as pas de quoi payer un mire.
    — Je sais cela. Mais si j’avais ce qu’il faut, c’est tout de même vous que je choisirais.
    — De quand date cette fracture ?
    — Je ne sais plus. De quelques lunes. Un client ivrogne qui s’est défoulé sur moi. On a fait ce qu’on a pu à la maison pour me soigner.
    — Ouais. Du travail bâclé.
    Louis posa son gobelet, se leva, revint vers elle et retroussa de nouveau sa manche. Son pouce appuya sur la bosse anormale qui s’était formée entre l’épaule et le coude. Bertine se laissa faire, tout en réprimant une grimace.
    — L’os s’est peut-être complètement ressoudé à l’heure qu’il est. Je vais devoir le recasser pour le replacer. Tu sais cela, n’est-ce pas ?
    Bertine fit un signe de tête en serrant bravement les mâchoires. Louis continua :
    — Je peux essayer de le réparer. Mais il faut que tu saches que ce n’est pas sans risques. Un os sain est toujours moins robuste qu’une soudure. Si cela casse mal, ton bras sera définitivement foutu. Avec deux fractures au lieu d’une.
    — Il l’est déjà à l’heure qu’il est et j’ai ouï dire que vous rompez les os proprement.
    — Mauvaise blague. Je ne me soucie guère de faire des fractures nettes lorsque je dois rompre un homme avec une barre de fer. De plus, toi, tu vas dormir. Là se trouve l’autre risque.
    — Que voulez-vous dire ?
    — Autant que tu sois prévenue : il faudra que je te donne à boire une potion très puissante. Cela va détendre tous les muscles. Et je dis bien tous : il va te falloir porter des langes, car tu vas peut-être te souiller. Une forte dose de ce médicament peut faire cesser la respiration. Si cela se produit, tu mourras. Je ne pourrai pas l’empêcher.
    Bertine se recroquevilla frileusement, son bras valide serré contre sa poitrine. Elle demanda, d’une petite voix :
    — Si je meurs, vais-je souffrir ?
    — Non. Tu t’endormiras et tu ne te réveilleras pas.
    Elle regarda le feu en silence. Il demanda, avec une certaine gentillesse :
    — Veux-tu toujours de mon intervention ? Il est encore temps de te rétracter.
    — N’y a-t-il pas moyen de se passer de ce remède ?
    — Non. Ce serait trop douloureux pour toi et tes muscles seraient trop raides. Je serais incapable de travailler correctement.
    — Si vous réussissez, est-ce que je serai guérie ?
    — Oui. Ton bras ne fonctionnera plus comme avant, mais il sera valide.
    — Alors, on y va.
    — Soit.
    Il alla prendre des

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