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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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attelles qu’il avait lui-même dépouillées de leurs échardes et qu’il avait polies jusqu’à ce qu’elles aient atteint au toucher la douceur d’un pain de savon. Il les mesura au bras de Bertine afin de les tailler, puis il dit :
    — Va-t’en racoler et ramène-moi un client vigoureux pendant que je prépare ce dont j’aurai besoin. Ne le fatigue pas en allant coucher avec et empêche-le de boire. Allez, ouste.
    Dès qu’elle fut sortie, Louis se mit au travail. Il mit de l’eau à chauffer et y ajouta des tiges de datura séchées, accompagnées de leurs feuilles, des racines, des fleurs et de quelques graines. Tel était l’anesthésique potentiellement dangereux qui avait aussi la propriété de soulager la douleur. Dans la petite marmite où il mijotait doucement, le breuvage fleuri avait l’air inoffensif. Les propriétés hallucinogènes de cette plante répandue sur tous les continents étaient connues depuis des temps immémoriaux, et les chamans, jadis, s’en servaient pour leurs rituels. Il existait plusieurs façons différentes de préparer la mixture, selon l’effet que l’on voulait produire.
    Pendant que mijotait la potion, le bourreau prépara un second remède : dans son mortier, il réduisit en poudre des racines de nard séchées. C’était une plante importée et coûteuse de la même famille que la valériane. Ses feuilles ressemblaient à celles de la digitale, mais ses fleurs jaunes lui donnaient davantage l’aspect du pissenlit. Il ajouta un peu d’eau de datura à cette poudre en se disant que ses vertus analgésiques seraient bénéfiques. Cela donna un cataplasme qui allait aider l’os à se ressouder. Il prévit un peu de guimauve et de consoude. Il mit aussi de côté de l’achillée millefeuille pulvérisée, pour favoriser la guérison externe. Enfin, il termina en préparant l’incontournable tisane d’écorce de saule, dont les propriétés analgésiques étaient reconnues depuis l’Antiquité. Il alla flairer sa décoction de datura afin d’en vérifier la force et la retira du feu.
    *
    — C’est mon frère, dit Bertine qui était de retour avec un paysan aux dispositions visiblement hostiles qu’elle présenta à Louis.
    Le bourreau fit un signe de tête et continua de s’affairer en silence comme s’il était seul. Les deux hôtes chuchotaient frénétiquement entre eux. Louis n’entendit que des bribes de conversation :
    — Je ne l’imaginais pas du tout comme ça. Il n’a pas l’air d’un bourrel, et pourtant oui.
    — Il est plutôt bel homme, hein ? Mais je te parie qu’il est incapable de nous avouer qu’il est sodomite.
    Louis disparut dans la resserre avec un bol fumant. Inconsciemment, ils haussèrent le ton.
    — Pas question, petite sœur. Je refuse d’aider ce démon à te mutiler. Nous sommes déjà suffisamment accablés par le malheur comme ça. Qu’est-ce qui t’a pris, de venir ici ? Chez le bourrel !
    — Arrête ça tout de suite. Je le connais, c’est un brave homme malgré son allure rébarbative.
    — Un brave homme ? Il t’a déjà fustigée comme une malpropre et tu trouves que c’est un brave homme ? Marquée que tu es, comme une bête !
    — C’est mon patron. Et il n’a fait que son devoir.
    — Son devoir. Et peux-tu me dire ce qu’il va exiger ce soir en échange de ses… services ?
    — Je n’en ai pas la moindre idée.
    — Quand tu voudras, la Bertine. Je suis prêt, dit Louis qui se tenait sur le pas de sa pharmacie, les bras croisés et l’air peu engageant.
    Bertine opina nerveusement et se tourna à nouveau vers son frère.
    — Alors, tu veux m’aider ou pas ? Maître Baillehache est mon seul espoir. Je ne veux pas rester infirme toute ma vie.
    Le paysan soupira et jeta un coup d’œil furtif à Louis qui attendait.
    — Bon, bon, d’accord. Mais c’est toi qui t’arranges avec après. En entendant cela, Louis s’avança et remit un lange plié à sa patiente.
    — Tiens, enfile ceci. Nous t’attendons dans l’autre pièce.
    Il fit signe au paysan de l’y suivre et ferma la porte.
    Lorsqu’elle les rejoignit, elle fut étonnée de constater que la pharmacie était une pièce somme toute spacieuse et bien éclairée par de multiples chandelles et aménagée en chambre à coucher. Au lieu du fouillis de choses repoussantes auquel elle s’était attendue, elle y trouva des récipients remplis de préparations curatives et des ustensiles soigneusement alignés

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