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Le Journal D'Anne Frank

Le Journal D'Anne Frank

Titel: Le Journal D'Anne Frank Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Frank
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et Jan viendra vers une heure rendre une petite visite d’une demi-heure aux délaissés, il jouera pour ainsi dire le rôle de gardien de zoo. Cet après-midi, et pour la première fois depuis longtemps, Jan nous a apporté des nouvelles du monde extérieur. J’aurais voulu que tu nous voies groupés tous les huit autour de lui, on aurait juré une image : « Quand grand-mère raconte. » Devant ce public intéressé, il était intarissable et a parlé d’abord de la nourriture, naturellement. Mme Pf., une amie de Miep, lui fait la cuisine. Avant-hier, Jan a eu des carottes aux petits pois, hier il a dû manger les restes, aujourd’hui elle lui fait des pois de jardin et demain le reste de carottes finira en hochepot.
    Nous avons demandé qui était le médecin de Miep. « Le médecin ? demanda Jan, à quoi voulez-vous qu’il serve ? J’ai téléphoné chez lui ce matin, j’ai eu une espèce d’assistant au bout du fil, j’ai demandé une ordonnance pour la grippe et me suis entendu répondre que je pouvais venir chercher des ordonnances le matin entre huit et neuf.
    Quand on a une très forte grippe, le docteur vient en personne à l’appareil, dit : "Tirez la langue, faites Aah. Oh, j’entends, vous avez la gorge enflammée. Je vais vous faire une ordonnance, vous pourrez la porter chez le pharmacien. Au revoir, monsieur."
    Et voilà le travail. Plutôt facile de traiter la clientèle uniquement par téléphone. Mais je ne devrais pas critiquer les médecins, après tout chacun de nous n’a que deux mains et par les temps qui courent il y a surabondance de malades et un minimum de médecins. »
    Pourtant nous avons tous bien ri en écoutant Jan nous rapporter cette conversation téléphonique. Je vois très bien de quoi a l’air une salle d’attente de médecin en ce moment. On ne regarde plus de haut les malades qui dépendent d’une caisse de secours, mais les gens qui n’ont rien de grave et l’on se dit : « Qu’est-ce qu’il vient faire ici celui-là, allez, à la queue, le vrai malade a la priorité. »
     
    Bien à toi,
    Anne
     
     
     
    JEUDI 16 MARS 1944
     
    Chère Kitty,
     
    Le temps est superbe, d’une beauté indescriptible, je ne vais sûrement pas tarder à retourner au grenier.
    Je sais maintenant pourquoi je suis tellement plus agitée que Peter. Il a une chambre à lui, où il travaille, rêve, pense et dort. Moi, on me pousse d’un coin à l’autre. Je ne suis jamais seule dans ma moitié de chambre et pourtant j’en ai tant envie. C’est aussi la raison pour laquelle je me réfugie au grenier. Là-haut, et auprès de toi, je peux être un instant, un petit instant, moi-même. Pourtant je ne veux pas me lamenter sur ce qui me manque, au contraire, je veux être courageuse !
    En bas, heureusement, ils ne peuvent rien soupçonner de mes sentiments intimes, si ce n’est que je me montre chaque jour plus froide et plus méprisante vis-à-vis de Maman, que je fais moins de câlineries à Papa et que même à Margot je ne m’ouvre plus de rien, je reste bouche cousue. Avant tout, je dois conserver mon assurance extérieure, personne ne doit savoir que la guerre fait encore rage en moi, une guerre entre mon désir et ma raison. Jusqu’à présent c’est la seconde qui l’a emporté mais le premier ne va-t-il pas se révéler néanmoins le plus fort ? Parfois je le redoute et souvent je le souhaite !
    Oh, il est tellement, tellement difficile de ne jamais rien laisser voir à Peter, mais je sais que c’est lui qui doit faire le premier pas ; il est si difficile de considérer le jour comme inexistants toutes ces conversations et tous ces gestes que j’ai vécus dans mes rêves ! Oui, Kitty, Anne est une drôle de fille, mais je vis aussi dans une drôle d’époque et dans des conditions plus drôles encore.
    Ce que j’ai encore de meilleur, il me semble, c’est de pouvoir au moins noter ce que je pense et ce que j’éprouve, sinon j’étoufferais complètement.
    Qu’est-ce que Peter peut bien penser de toutes ces choses, je m’imagine sans cesse qu’un jour je pourrai en parler avec lui. Il doit tout de même bien avoir deviné quelque chose en moi, car il est impossible qu’il aime l’Anne extérieure, celle qu’il connaît jusqu’à présent ! Comment pourrait-il éprouver de la sympathie pour mon tapage et mon agitation, lui qui aime tant le calme et la paix ? Serait-il le premier et le seul au monde à avoir regardé au-delà de mon

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