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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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équivaut à un petit courage ?
    L’incongruité de la question m’enchanta. Je ne pus retenir
un rire qui me secoua tant que je faillis étouffer sous mon masque. Un fou rire
qui emporta celui d’Eva. Et c’est ainsi que le Tout-Puissant nous vit
peut-être, fuyant l’horreur et la haine dans une barque errante qui menaçait de
se retourner sous nos éclats de rire.
     

3
    Je n’ai pas été père. Je n’ai eu ni fils, ni fille, ni
aucune épouse. La science et l’étude en furent la cause, me dévorant le cœur
autant que les jours. Mais s’il fut un temps dans ma vie où je pus mesurer
l’intensité du bonheur des pères et l’immensité de la solitude de ceux qui ne
se sont jamais accordé cette charge, ce furent ces mois que je passai à
Cracovie en compagnie d’Eva.
    Comme l’avait prédit le MaHaRaL, la peste infectait peu
l’est de l’Europe. Elle cessait d’inquiéter bien avant Cracovie. Il nous fallut
moins de cinq jours pour parvenir en cette ville, ou plutôt à Bouchnia, qui
était juste au sud, la ville juive, car depuis presque un siècle les Juifs
étaient interdits à l’intérieur même de Cracovie.
    Là, à Bouchnia, je trouvai ouvertes toutes les portes amies.
Quand on y apprit les raisons de mon retour et qui était cette enfant confiée à
ma protection, elles s’ouvrirent plus grandes encore.
    Dans l’excitation des premiers jours, chacun voulut admirer
la petite-fille du MaHaRaL. La renommée du Maître, à elle seule, faisait d’Éva
un prodige. Elle se plia à cette curiosité avec un plaisir gourmand, ne
négligeant rien pour impressionner autant qu’elle le pouvait tous ceux qu’elle
rencontrait, qu’ils fussent de son âge ou de vénérables aïeuls.
    Heureusement, rien ne tournait aussi court que les jeux et
les plaisirs faciles d’Eva. Son caractère se lassait très vite des répétitions et
lorsque je lui proposai de reprendre nos études, elle n’eut qu’une
question :
    — Est-ce que tu peux m’apprendre les étoiles ?
    Ainsi commença un long échange où je lui expliquai, à mon
grand plaisir, une partie de mes connaissances. Entre autres moments précieux,
je garde dans mon éternité le souvenir de sa belle stupeur quand je lui
racontai comment le grand Copernic, il y avait peu, nous avait changé l’univers
de fond en comble.
    J’eus à peine achevé mon explication qu’elle se précipita à
la fenêtre pour regarder la tache pâle du soleil qui ne perçait pas les nuages
d’un ciel d’automne.
    — Nous, on tourne autour du Soleil ?
    — Oui, au contraire de ce que croyaient Aristote et
Ptolémée. Et des millions de gens depuis.
    — Je ne sens rien. C’est moi qui tourne, pas la maison,
ni rien dessous mes pieds.
    Elle riait en tournoyant sur elle-même. S’immobilisant d’un
coup pour demander, tout à fait sérieuse :
    — Comment peut-il en être si sûr, ce Copernic ?
    — Était. Il est mort voici quarante et un ans.
Il a étudié les planètes, leur taille, leur place, et a transformé ce qu’il
voyait en calculs. Des calculs qui expliquent leur mouvement journalier,
pourquoi nous voyons le Soleil si bas en hiver, si haut en été, pourquoi il se
lève et se couche… Pourquoi Mars, Jupiter et Saturne se meuvent comme elles le
font. Copernic a su également calculer la distance entre les planètes…
    — Des calculs que tu saurais faire, toi ? Que tu
saurais m’enseigner ?
    — Non, je ne crois pas que je saurais les faire. Plus
tard, peut-être.
    — 23 heures, 56 minutes, 4 secondes…
C’est ça, le temps que met la Terre pour tourner elle aussi ?
    Éva dansait à nouveau en pivotant sur elle-même.
    — Tu vois, je me rappelle. Tu l’as dit une seule fois
et je me rappelle.
    — Et de l’ordre des planètes selon les calculs de
Copernic, tu te souviens ?
    — Soleil, Mercure, Vénus, Terre avec la Lune autour,
Mars… et… euh ?
    — Jupiter.
    — Ah, oui… Jupiter et Saturne.
    — Et tout autour les étoiles fixes.
    Elle observait le ciel d’un air perplexe, revenait examiner
les dessins astronomiques que je lui avais montrés.
    — Quand même, tu crois vraiment qu’il ne se trompe pas,
Copernic ?
    — Je suis certain qu’il dit juste.
    — Grand-père rabbi le croit aussi ?
    — Absolument.
    — Mais il y a des gens qui ne le croient pas ?
    — Oui. Surtout chez les Gentils, car ils pensent que
Dieu a créé l’Univers pour placer l’homme au centre, et qu’en conséquence

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