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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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sauva.
    La tension et la crainte étaient si grandes qu’il fallut que
je m’annonce et même parlemente pour que s’ouvre la porte de la ville juive. Il
y avait eu des massacres près de notre hôtel de ville tôt le matin et le feu
avait pris aux entrepôts avant que les massacreurs soient repoussés.
    Enfin nous parvînmes à l’abri. Vögele et Isaac se
précipitèrent pour embrasser leur fille chérie. Son état et le sang qui nous
couvrait les affolèrent. On nous soigna avec diligence, alors que l’on
entendait encore les vociférations de l’autre côté des murs.
    Hébétée depuis que Bachrach avait disparu dans la foule
meurtrière, Eva se laissa soigner et changer sans un mot. Elle ne réagissait ni
ne répondait aux questions. À mon grand étonnement, elle n’eut pas plus de
réaction lorsque le MaHaRaL monta les escaliers pour venir la voir.
    Dans une petite chambre où Vögele m’avait dressé un lit, on
me lava et on nettoya mes blessures, appliquant un emplâtre sur ma cuisse
profondément entaillée. Pendant tout ce temps, Isaac me posait mille questions
et, malgré mon épuisement, j’essayai d’y répondre. Je racontai mon voyage et
notre fuite de Worms, et comment Bachrach avait été emporté par la foule alors
que nous approchions de la porte. Dans un dernier effort de conscience, je ne
pus me résoudre à lui parler du dibbouq qui hantait sa fille. Je ne révélai rien
de ce que m’avait confié Bachrach ni de ce que j’avais vu à l’auberge.
    Cependant, plus je parlais, plus mon récit se faisait
confus. La force et la fureur qui m’avaient soutenu jusqu’à ce que nous soyons
en sûreté m’abandonnaient. L’horreur que nous venions de traverser
m’engloutissait à nouveau. Je sentais encore dans mes mains la chaleur et les
secousses désespérées du corps de Bachrach tandis que j’essayais de le retenir.
Je revoyais les gueules hurlantes des massacreurs lui arrachant la tête.
    Cette seule pensée et le souvenir de l’instant où il avait
disparu sous la masse grouillante comme sous une meute de fauves affamés me
firent claquer des dents. Il me semblait que j’aurais pu sauver l’époux d’Éva
et qu’à cette faute s’ajoutait celle, très probable, d’avoir tué des femmes. Le
remords m’envahissait, me scellait les yeux et la bouche avec des larmes de
honte.
    Mais fermer les paupières était pire que tout. Sans cesse je
revoyais cet instant de folie dans la voiture, ce que je n’avais pas fait, ces
femmes qui basculaient en gémissant, les autres qui voulaient happer Eva…
    Ces souvenirs devinrent si intenses que je crois bien m’être
mis à crier. Je découvris soudain le visage du MaHaRaL au-dessus de moi. Son
grand et beau visage pâle au regard si profond me fut un coup au cœur. Comme si
sa longue chevelure et cette barbe qui lui recouvrait la poitrine étaient des
flammes froides. La terreur m’emporta. Je cherchais les yeux de mon Maître pour
le supplier de nous épargner, Eva et moi, car maintenant je n’en doutais
plus : le dibbouq allait me prendre moi aussi.
    Je ne vis pas son regard en retour, car Vögele s’interposa
entre nous. Elle me força à boire une tisane amère qui me brûla le gosier.
    Je résistai quelques minutes, grelottant de frayeur autant
que de froid, avant de sombrer dans un néant qui ne ressemblait pas au sommeil.
     
    Je me réveillai au crépuscule.
    Après quelques secondes d’égarement je me rappelai où
j’étais. Je fus surpris par le silence qui régnait dans la maison comme à
l’extérieur. On ne percevait plus rien des braillements. Tout semblait saisi
par un silence pesant et presque aussi inquiétant que les cris.
    Alors que je tentai de me mettre debout, la douleur dans ma
cuisse me transperça. Je retombai sur le lit avec un gémissement. Je vis le
bandage qui m’enveloppait la jambe et me souvins de tout. Je songeai à Éva,
voulus tout de même me redresser. Une jeune servante me découvrit qui
chancelait en m’appuyant sur une chaise. Elle appela à l’aide. Isaac accourut
et me repoussa dans le lit.
    — Non, David, non ! Tu ne dois pas bouger ou ta
plaie va se rouvrir. Elle n’est pas si belle que ça…
    Je lui saisis le poignet.
    — Éva ?
    — Elle dort.
    Il eut un sourire, un incroyable sourire, et me tapota la
main d’un geste rassurant.
    — Elle dort comme un ange. Vögele lui a donné la même
potion qu’à toi, mais elle dort comme si elle n’avait pas dormi depuis

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