Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
reflet de Cassandra qui faisait les cent pas
dans la chambre. Trois jours s’étaient écoulés depuis leur visite avortée au
château de Saujac et l’attaque dont la jeune femme avait été victime. Chaque
fois que celle-ci se remémorait la silhouette de Clayton Blake la guettant
devant la Comédie-Française, un profond malaise l’envahissait.
– Je
suis convaincue que Blake me surveille, déclara soudain Cassandra en se figeant
au milieu de la pièce.
– Voyons,
vous ne croyez tout de même pas qu’il vous soupçonne d’être l’instigatrice des
meurtres ? Ce serait du dernier ridicule.
– Je ne sais plus que
penser, avoua-t-elle.
– Quoi
qu’il en soit, je me fais du souci depuis votre agression. Peut-être
vaudrait-il mieux rentrer en Angleterre avant qu’un événement plus grave ne se
produise.
– Il n’en est pas
question !
– Soyez raisonnable,
enfin, soupira Julian.
– Je
ne peux pas me permettre de l’être, je vous en ai déjà expliqué la raison.
Julian se retourna et la
fixa longuement.
– J’ai peur que cette
quête ne vous consume, dit-il enfin.
Cassandra
ferma les yeux et pressa ses poings contre ses tempes. Puis elle regarda son
ami et lui sourit.
– C’est pour cela que j’ai
besoin de vous, Julian.
*
Un
message attendait Cassandra à la réception, qui vint balayer temporairement
leurs doutes et interrogations.
– Un
mot du baron de Saujac. Il veut nous rencontrer, annonça-t-elle.
– Il aurait changé
d’avis ? s’étonna Julian.
– Espérons.
De
nouveau, ils firent le trajet jusqu’au château de Saujac. Cette fois, le
gardien les laissa entrer aussitôt, et un domestique en perruque poudrée et
livrée rouge et noir les accueillit à l’entrée de la demeure. En franchissant
le seuil du porche principal, Julian montra à Cassandra l’écusson frappé d’un
griffon qui était sculpté au-dessus de la porte.
Pendant
qu’il allait prévenir son maître de leur arrivée, le valet les fit patienter
dans une longue et haute galerie pourvue d’un plafond à caissons magnifiquement
ouvragés.
De
part et d’autre de la galerie, des cheminées de marbre blanc étaient surmontées
de tapisseries. Sur la première, Atalante et Hippomène s’affrontaient à la
course. Pour conquérir la jeune fille, qui ne voulait prendre pour époux que
celui qui serait capable de la battre, Hippomène, aidé de la déesse Aphrodite,
laissait successivement tomber trois pommes d’or dans sa course. Curieuse,
Atalante s’attardait à les ramasser et finissait par être devancée à l’arrivée.
Sur
le mur opposé, la seconde tapisserie figurait un épisode de la guerre de Troie,
conflit légendaire qui prenait sa source dans l’enlèvement d’Hélène, épouse du
roi de Sparte, Ménélas, par le Troyen Pâris, fils de Priam, roi de Troie. En
rétorsion, Ménélas avait levé avec son frère Agamemnon une expédition
rassemblant la plupart des rois grecs. Le siège de Troie par les Achéens avait
duré plusieurs années avant de s’achever enfin grâce à la fameuse ruse élaborée
par Ulysse. Celui-ci avait eu l’idée d’un grand cheval de bois dans lequel
s’étaient dissimulés des guerriers grecs. Sans méfiance, les Troyens avaient
fait entrer le piège dans leurs murs. La nuit venue, les soldats étaient sortis
du cheval et avaient ouvert les portes de la cité à leurs alliés. La guerre de
Troie avait pris fin avec le sac de la ville. La tapisserie représentait le
cheval de Troie, entouré de combattants et avec la cité en flammes en
arrière-plan.
– Nous
sommes dans l’une de ces demeures que l’on qualifie du titre de « châteaux
de Diane de Poitiers », observa Cassandra, la tête levée vers le plafond.
À
intervalles réguliers y apparaissait en effet, sur un semis de croissants, le
monogramme du roi Henri II, symbole en apparence de son mariage avec Catherine
de Médicis puisque deux C étaient entrecroisés à l’intérieur d’un H capital.
Mais les lettres étaient tracées de telle façon qu’en s’appuyant aux hastes du
H elles semblaient dessiner deux D comme Diane de Poitiers, la favorite du roi,
dont le croissant était l’emblème. Ce chiffre ambigu, qui mêlait l’épouse, la
maîtresse et l’amant, se retrouvait sur de nombreux bâtiments et monuments de
l’époque, étalant en plein jour la liaison royale.
– Saviez-vous
que cet emblème a également une signification alchimique ?
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