Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
questionna
Julian. En vérité, le croissant n’appartient ni à Diane de Poitiers ni à
Catherine de Médicis. C’est un symbole de la plus haute Antiquité, utilisé par
les Égyptiens, les Grecs et les Arabes bien avant son introduction dans notre
Moyen Âge occidental. Le croissant est l’attribut de plusieurs déesses, Isis, Diane
et Artémis, et représente également la Lune qui est l’emblème de l’argent et le
sceau de la couleur blanche dans le Grand Œuvre…
– Et
le monogramme ? objecta Cassandra. Comment les alchimistes expliquent-ils
ce double D lié à la lettre H ?
– Très
simplement. L’alchimie est fondée sur les métamorphoses physiques opérées par
l’Esprit, c’est-à-dire le dynamisme universel émanant de la divinité, qui anime
tout ce qui est. Or, dans la notation alchimique, le signe de l’Esprit est
« H », la septième lettre de l’alphabet grec, qui se prononce
« êta ». Cette lettre est aussi l’initiale du soleil, père de la
lumière. L’Esprit, agent universel, constitue dans la réalisation du Grand
Œuvre la principale inconnue dont la détermination assure le plein succès. Mais
celle-ci, dépassant les bornes de l’entendement humain, ne peut être acquise
que par révélation divine. C’est ce Don de Dieu, le Donum
Dei, qui apparaîtrait sous le monogramme du double D. Et voici
comment les alchimistes ont détourné un emblème de signification connue en le
dotant d’un sens compris d’eux seuls. Du reste, la décoration de nombreux
hôtels ou châteaux porteurs du double D lié à la lettre H possède un caractère
alchimique incontestable.
– Est-ce
le cas ici ? demanda Cassandra en tournant lentement sur elle-même.
– En
effet. Rappelez-vous du blason au-dessus du porche principal. Un griffon,
mi-aigle, mi-lion, y était représenté. Or le griffon symbolise les qualités
opposées qu’il faut assembler pour produire la pierre philosophale.
Rappelez-vous, le Grand Œuvre opère la réconciliation des dualités
contraires : le Soufre et le Mercure, le feu et l’eau…
– …
Le mâle et la femelle, le fixe et le volatil, le Soleil et la Lune, l’esprit et
la matière, compléta Cassandra avec un sourire.
– Et
regardez ces tapisseries autour de nous, poursuivit Julian. Elles représentent
des scènes mythologiques. Or les récits de la mythologie grecque ou latine, en
voilant les secrets du Grand Œuvre sous des allégories, constituent un mode
d’expression de l’alchimie. Non seulement les Adeptes se sont servi des mythes
pour dissimuler le Grand Œuvre, mais certains se sont efforcés de prouver
qu’Homère, Virgile ou Ovide avaient eux-mêmes été des Adeptes et avaient décrit
dans leurs œuvres les étapes de la fabrication de la Pierre. Ainsi, Pernéty a
donné une explication alchimique de l’Iliade et de l’Odyssée.
– Certes,
fit Cassandra, bien que je ne doute pas qu’avec un peu d’imagination on puisse
faire dire à ces histoires à peu près n’importe quoi… Je serais néanmoins
curieuse de savoir comment les alchimistes ont interprété la guerre de Troie,
ajouta-t-elle en désignant la tapisserie correspondante.
– C’est
assez complexe, mais en résumé, les Troyens assiégés représentent aux yeux des
Adeptes la fixité. Face à eux, les Grecs réunis sous la bannière du roi
Agamemnon symbolisent la volatilité, car toujours en mouvement autour de Troie.
Les fréquentes colères d’Achille indiquent sa nature ignée. Il figure le feu du
Mercure, principal agent du Grand Œuvre. La série de combats entre Grecs et
Troyens décrit les oppositions entre le fixe et le volatil, le Soufre et le
Mercure. La poursuite d’Hector par Achille marque la volatilisation de la
matière, qui sera fixée par la mort du Troyen. Les contraires alors
s’abolissent au sein de la pierre philosophale qui réalise la totalité. Après
la prise et le pillage de la ville, les héros se dispersent à travers le monde
pour y fonder des royaumes, image de la Pierre qui, en transformant les métaux
vulgaires en or, en fait des « rois ». Et regardez les caissons du
plafond. Reconnaissez-vous leur sujet ?
– Ce
sont les douze travaux d’Hercule, répondit Cassandra qui entreprit de les
énumérer : le lion de Némée, l’hydre de Lerne, la biche de Cérynie, le
sanglier d’Érymanthe, les écuries d’Augias, les oiseaux du lac Stymphale, le
taureau de Crète, les juments de Diomède, la ceinture
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