Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Louvre.
– Parfait,
alors je vous laisse, lança gaiement Cassandra avant de s’éclipser.
*
Elle ne reparut qu’en
fin d’après-midi, l’air soucieux.
– La
tâche s’avère plus difficile que je ne l’avais imaginé, expliqua-t-elle à
Julian alors qu’ils dînaient au restaurant de l’hôtel, réputé pour la qualité
de sa cuisine. Officiellement, L’Adepte de Jérôme Bosch
n’existe pas. En tout cas, personne n’a jamais vu cette toile.
– Et officieusement ?
– Il
existe des rumeurs persistantes à son sujet. Nul ne sait où le tableau se
trouve exactement, mais il semblerait bien, comme me l’a dit Aerith, qu’il soit
en France, et ce depuis plusieurs siècles. J’espère obtenir très bientôt plus
de précisions.
Lorsqu’elle
sortit de l’hôtel le lendemain après-midi, prête à reprendre ses pérégrinations
dans les milieux interlopes parisiens, Cassandra eut la mauvaise surprise de
reconnaître place du Palais-Royal une silhouette familière en la personne de
Clayton Blake. Stupéfaite, elle se détourna aussitôt en espérant qu’il ne
l’avait pas vue. Elle constata avec ennui que non seulement sa présence n’avait
pas échappé au policier, mais qu’il se dirigeait vers elle à grandes enjambées,
aussi ombrageux que dans son souvenir.
– Mrs.
Ward, la salua-t-il sans chercher à dissimuler son étonnement. Que faites-vous
à Paris ?
– Je
suis venue faire quelques emplettes, rétorqua-t-elle avec hauteur, déjà sur la
défensive. Et vous-même ?
Il l’enveloppa d’un long
regard soupçonneux et laissa tomber :
– Je suis ici parce qu’un
meurtre vient d’être commis.
– Un meurtre ? répéta
Cassandra, interloquée.
– La Dame Noire vient de
frapper à Paris.
– Oh…
Et qui est donc la victime cette fois-ci ? Un Français ?
– Non,
il s’agit de Stephen Thompson, chargé d’affaires à l’ambassade d’Angleterre. Il
a été retrouvé mort à son domicile, rue de l’Échelle, vers une heure du matin.
J’ai quitté Londres aussitôt que la nouvelle est parvenue à Scotland Yard.
– Je
suppose que le mode opératoire est identique à celui des meurtres
londoniens ?
– En effet.
– Y
compris la présence du dragon devant la vierge de fer ? demanda vivement
Cassandra.
Clayton
l’observa avec plus d’attention encore avant d’acquiescer.
– Vous
apprendrez tous les détails dans les journaux locaux, jeta-t-il d’un ton rude.
Nul doute qu’ils satisferont votre curiosité…
Puis
il porta la main à son chapeau et prit brusquement congé, non sans lui avoir
jeté un dernier coup d’œil inquisiteur.
Cassandra demeura seule,
oscillant entre colère et malaise. Être à Paris au moment même où frappait la
Dame Noire ! Elle ne doutait pas que Clayton Blake commençait à échafauder
des hypothèses la concernant. Elle-même ne put le chasser de ses pensées durant
les jours qui suivirent.
*
En
faisant jouer toutes ses relations, il fallut une semaine entière à Cassandra
pour atteindre son but. Un soir, elle retrouva Julian à l’hôtel, triomphante.
– Le
tableau se trouve entre les mains du baron de Saujac qui réside à quelques
lieues de Rambouillet, annonça-t-elle. Selon mes informations, il a toujours
appartenu à sa famille. Je vais lui envoyer un mot pour lui demander de nous
recevoir, et nous irons lui rendre visite demain. Il n’acceptera peut-être pas
de me rencontrer, mais j’escompte bien que votre titre nous ouvrira les portes
de sa demeure.
Le
jour suivant, après le déjeuner, Julian et Cassandra laissèrent donc les
enfants à la garde des domestiques et partirent en fiacre. Deux heures plus
tard, l’attelage longeait le haut mur d’enceinte qui protégeait le château de
Saujac et s’arrêtait devant les grilles. Julian et Cassandra mirent pied à
terre et examinèrent les lieux.
Au
bout d’une allée de marronniers se dressait un gracieux édifice blanc de style
Renaissance, percé de maints fenêtres, lucarnes et portiques, et agrémenté aux
angles de tourelles et échauguettes. Le château de Saujac était de petite
dimension, mais ses proportions élégantes en faisaient un véritable bijou
architectural.
Cassandra
fit jouer la cloche de l’entrée, et le gardien, un homme trapu, ne tarda pas à
sortir de la maison jouxtant la grille.
– M. le baron ne
reçoit pas, déclara-t-il tout net.
– Mais
nous sommes venus l’entretenir d’une
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