Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
diriger vers un point qui avait attiré son attention.
Dans une niche creusée à droite de la porte se
trouvait un clavier de bois identique à celui qui permettait d’accéder à
l’ascenseur, à la seule différence que les touches portaient des chiffres et
non des lettres. Sur le pourtour du clavier figuraient quatre petits dragons,
un noir au nord, un blanc à l’est, un rouge au sud et un doré à l’ouest.
– Les trois couleurs
principales du Grand Œuvre alchimique et son résultat, l’or, déclara Angelia.
Devant
l’air perplexe de Walter, elle ajouta :
– Le Grand Œuvre consiste
à réunir deux principes antagonistes, le Soufre et le Mercure, afin de former
un corps nouveau qui donnera ensuite naissance à la pierre philosophale. En
chauffant, cette Matière première, parfois symbolisée par un dragon, prend trois
couleurs successives : le noir, le blanc et le rouge. Lorsque la Pierre
est achevée, elle permet de changer les métaux en or.
Walter hocha la tête. Angelia sortit le carnet
de Ferguson, l’ouvrit à une page et s’absorba un instant dans la lecture.
– Nous devons recourir à
la Cabale pour ouvrir cette porte, indiqua-t-elle.
– La
Cabale ?
– Il s’agit d’une
composante ésotérique de la culture juive, qui s’appuie notamment sur une
méthode d’interprétation de la Bible fondée sur la transcription numérique des
caractères hébreux. La Cabale, qui accorde une valeur mystique aux nombres,
consiste à décomposer les mots, à additionner la valeur numérique des lettres
et à en tirer, selon des règles spéciales, toutes les déductions possibles.
Walter
considéra le clavier avec intérêt.
– Isis
était donc juive ?
– Pas forcément. Pour
dissimuler leurs secrets aux profanes, les alchimistes se sont attachés à rendre leurs écrits incompréhensibles par divers moyens : allégories,
symboles, énigmes, acrostiches, anagrammes. Puis, à partir du XV e siècle, l’alchimie s’est
alliée aux sciences occultes : magie, astrologie et cabale. Nicolas Flamel
a été le premier à témoigner de l’influence hébraïque sur son travail avec les
figures d’Abraham le Juif. À l’instar des cabalistes, certains alchimistes
comme Paracelse pratiquaient la Gematria, l’établissement
de la valeur numérique des lettres, le Notarikon, l’utilisation des lettres initiales, médianes et finales
d’un mot pour en composer un autre, et la Temurah, l’application
de ces deux méthodes aux permutations et combinaisons de lettres.
– Ce
qui signifie ?
– Que nous devons taper
sur le clavier les chiffres correspondant cabalistiquement aux trois couleurs
du Grand Œuvre et à l’or.
– Rien
de plus simple…
Angelia se mit à composer sur le clavier des
chiffres qu’elle énuméra à voix basse :
– 80 pour le noir, 120
pour le blanc, 280 pour le rouge, et 209 pour l’or.
– Comment
savez-vous cela ? s’étonna Walter.
– L’étude,
mon cher, voilà le secret.
Elle se recula, les yeux rivés sur la porte
monumentale. Durant quelques secondes, il ne se passa rien, puis les lourds
battants pivotèrent sans un bruit vers l’intérieur, dévoilant la bouche sombre
d’un couloir.
Sans hésiter, Angelia s’engagea dans le passage,
éclairé de loin en loin par des lumières rougeâtres. Après avoir marché une
dizaine de minutes, une odeur épouvantable les frappa.
Devant eux, un petit pont de bois enjambait une
étendue boueuse d’où émanaient les relents nauséabonds. De l’autre côté du
pont, une nouvelle porte leur barrait le passage. Angelia se courba et scruta
la serrure.
– Nous avons besoin d’une
clé, annonça-t-elle en se redressant.
Elle
contempla l’étendue fétide à ses pieds et ajouta :
– J’imagine
qu’elle est cachée ici.
Walter
sursauta.
– Ici ?
Vous voulez dire dans cette boue répugnante ?
– Pour les Adeptes, chaque
chose porte en soi son contraire, et le précieux est dans le vil. La véritable
sagesse enseigne à ne pas juger des choses selon la beauté de leur aspect. Ne
vous fiez pas aux apparences, Walter.
– Tout cela pour me dire
qu’il va me falloir patauger dans cette fange…
Il avait à peine achevé sa phrase que Seishiro,
d’une brusque poussée dans le dos, le projeta dans le bassin. Une odeur de mort
prit aussitôt Walter à la gorge tandis qu’il se débattait pour se remettre
debout, le cœur au bord des lèvres.
– Voyez,
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