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Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Titel: Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carolyn Grey
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supposée avoir vécu sous un
nom d’emprunt. Le majordome n’avait pu pousser plus loin ses investigations :
la logeuse refusait obstinément de lui parler, convaincue qu’il appartenait à
la police. Méprise qui avait quelque peu vexé Stevens.
    Cassandra s’était donc résolue à aller
interroger elle-même la femme. Julian avait insisté pour l’accompagner et elle
avait fini par céder, bien qu’elle fût convaincue que ce n’était pas une bonne
idée. Son ami n’avait jamais connu que le calme et opulent West End, ses
avenues larges et aérées et sa population élégante ; il ignorait tout du
second visage de la cité. La découverte de l’est londonien, gangrené par la
délinquance, la maladie et la pauvreté, risquait fort de lui causer un choc
considérable en heurtant sa sensibilité d’homme du monde.
    De fait, la vision de l’ignoble enchevêtrement
de taudis pourrissants ou en ruines, agglutinés les uns contre les autres de
façon précaire, aurait ébranlé l’âme la plus solide. Même en plein après-midi,
il faisait sombre dans les étroits passages. Une épouvantable odeur de
déjections viciait l’atmosphère et imprégnait les vêtements. Des rats
grouillaient dans les recoins, se battaient en couinant parmi les détritus,
rongeaient le visage et les doigts des nourrissons. Partout, on voyait des
hommes et des femmes de tous âges, livides et décharnés, assis contre les murs
ou allongés par terre, certains vivants, d’autres déjà morts de faim, de froid
ou de maladie. La typhoïde et la pneumonie faisaient des ravages dans les
bas-fonds, de même que les maladies vénériennes qui passaient de l’un à l’autre
comme des poux.
    Cassandra jeta un coup d’œil en coin à Julian.
Très pâle, il avançait en regardant droit devant lui. Il lui paraissait
inconcevable qu’une jeune fille honorable, issue d’une bonne famille, puisse
sombrer dans une telle déchéance. Soudain, il eut honte de ses vêtements coûteux,
de sa montre à gousset en or, de ses bottillons de cuir fin.
    Ils allèrent ainsi de passage en passage,
suivant Stevens. Enfin, celui-ci s’arrêta devant une maison aux murs lépreux
dont les poutres étaient rongées par l’humidité. Cassandra le remercia d’un
signe de tête, puis gravit avec Julian une volée de marches qui menaçaient de
céder à chaque pas.
    Avec ses doigts crochus, sa chevelure grise et
hirsute, son visage fripé agrémenté sur la joue droite d’une énorme verrue, la
logeuse s’avéra aussi peu avenante que la maison. Elle les détailla des pieds à
la tête, la mine soupçonneuse. Cassandra se présenta, mais c’était Julian que
la vieille lorgnait, le nez froncé de dégoût.
    –  Et lui, qui
est-ce ? aboya-t-elle. Un policier ? Je veux pas de cette vermine
chez moi !
    Après un nouvel examen, elle se ravisa et sa
voix de rogomme se fît mielleuse.
    –  Non, il est trop
distingué pour être un chien de policier. M’est avis qu’il est plutôt du genre
à fréquenter Buckingham Palace.
    Elle avait flairé l’odeur de la fortune et ses
yeux brillaient de convoitise. Cassandra comprit qu’elle n’aurait de cesse
désormais de leur soutirer au cours de l’entretien un maximum d’argent.
    Et en effet, moyennant quelques shillings, la
femme abandonna son expression revêche et consentit à répondre à leurs
questions. Oui, une jeune Française avait vécu ici durant plusieurs années. Son
nom ? Elle ne se souvenait plus très bien. Marie ou Julie peut-être. Oui,
c’est bien elle, confirma la logeuse quand Cassandra lui montra une miniature
de Florentine de Saujac. Non, elle n’habitait plus ici depuis quinze ans,
ç’aurait été difficile vu son état. Pourquoi cela ? Parce qu’elle s’était
suicidée, voilà pourquoi. À présent elle vivait six pieds sous terre, dans la
fosse commune du cimetière de la paroisse. Elle s’était ouvert les veines
là-haut, dans son logis. Un sale spectacle. Du sang partout. Qui aurait cru
qu’un corps si maigre pouvait contenir autant de sang ? Le parquet était
fichu après ça, impossible de le nettoyer. Elle avait du mal à louer la pièce
depuis.
    La vieille continua à les abreuver de détails
sordides, mais Cassandra et Julian ne l’écoutaient plus. Au mot
« suicide », ils avaient échangé un coup d’œil consterné. Après
toutes ces recherches, ils avaient donc abouti à une impasse ?
    Une
main griffue s’abattit sur le bras de Cassandra.
    – 

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