Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
de leurs corps, les paralysèrent. Malgré
tous leurs efforts, ils ne pouvaient plus bouger ; on eût dit qu’une
entité invisible s’amusait avec eux.
Une à une, les lumières du couloir et du palier
moururent, aspirées par la nuit, tandis qu’un froid glacial s’engouffrait dans
la maison. Les murs disparurent, et l’obscurité devint totale, absolue. Jeremy
voulut parler, mais sa voix resta bloquée au fond de sa gorge. On n’entendait
plus aucun son. Le monde s’était évanoui. Il n’y avait rien, rien d’autre que
le noir et une atroce odeur de soufre.
Enfin, un chuintement creva le silence, et une
lumière se ralluma, si vive qu’elle en était douloureuse. Clayton et Jeremy
clignèrent des yeux, groggy. Les deux hommes tremblaient de froid tout en suant
à grosses gouttes. Progressivement, toutes les flammes du couloir se
ranimèrent.
Chancelant, Clayton se précipita vers le bureau
d’Abernathy et ouvrit la porte à la volée. Une exclamation de rage lui échappa
alors. Derrière lui, Jeremy se pencha pour regarder.
La femme n’était nulle part en vue. En revanche,
une dizaine d’hommes armés gisaient sur le sol aux quatre coins de la pièce,
évanouis mais ne paraissant pas blessés. Et au centre du bureau, le spectacle
familier de la vierge de fer dressée dans une mare rougeâtre et de sa victime,
empalée.
Livide, Jeremy se replia dans le couloir en
avalant l’air à grandes bouffées. Clayton au contraire s’avança vers le
sarcophage. Le dragon était bien là, dessiné dans le sang, narquois,
provocateur.
– Fouillez la pièce,
vérifiez que personne ne s’y cache, ordonna Clayton aux sergents effarés qui
venaient de le rejoindre. Faites prendre ensuite une photographie du dragon
devant la vierge de fer et interrogez les hommes de sir Francis quand ils
seront réveillés.
Il doutait d’obtenir le moindre résultat de la
sorte, mais c’était la procédure. Sur le palier, il rejoignit Jeremy qui
tripotait nerveusement son crucifix.
– Qui était cette femme,
Clayton ? Comment a-t-elle pu disparaître quand les fenêtres du bureau
étaient fermées de l’intérieur, que nous étions devant la porte et tes hommes
au bas de l’escalier ? Et comment ce cercueil a-t-il pu se retrouver ici
alors que la maison était surveillée ?
Clayton
secoua la tête.
– Je
n’en sais rien. Tout cela me dépasse.
Mais
il y avait un point qu’il devait vérifier au plus vite. Quelques heures après
le meurtre, alors que la Cité émergeait à peine du sommeil, il se rendit à la
Banque Russell et se fit ouvrir le coffre de sir Francis. La bague avait
disparu.
XII
En arrivant au siège de Scotland Yard après son
passage par la banque Russell, Clayton était de fort mauvaise humeur. D’abord
parce que le meurtrier, non content d’avoir perpétré son forfait au nez et à la
barbe de la police, lui avait filé entre les doigts, ensuite parce que ledit
meurtrier s’avérait être en réalité une meurtrière.
Même si les crimes avaient été attribués à la
« Dame Noire », en référence aux vierges de fer, personne n’avait
sérieusement imaginé qu’une femme pouvait être responsable de ces atrocités.
C’était pourtant bien une femme que Clayton avait vue chez sir Francis
Abernathy.
Une terrible frustration le rongeait. Il avait
touché du doigt la solution de l’énigme, mais y voyait au final encore moins
clair qu’avant.
C’est donc complètement désarçonné qu’il gagna
son bureau de Whitehall Place. À peine assis, un sergent entra, deux enveloppes
à la main.
– Qu’est-ce
que c’est ?
– Des lettres du père
Freytag, un prêtre catholique qui prétend avoir des informations pour résoudre
les meurtres…
– Quoi ?
Clayton s’était levé d’un bond, et le sergent
parut un instant sur le point de prendre la fuite.
– Rien de bien intéressant
cependant, bafouilla-t-il. Il vit à Dortmund et…
Dortmund. La ville où se trouvait autrefois le
siège central de la Sainte-Vehme. Clayton se saisit des enveloppes couvertes
d’une écriture pâle et tremblotante.
– Elle a été envoyée en
mars, dit-il d’un ton brusque lorsqu’il eut déplié la première lettre. Pourquoi
ne l’ai-je que maintenant ? Où était-elle durant ces derniers mois ?
Gêné,
le sergent bredouilla :
– Eh bien, il semblerait
qu’elle ait voyagé entre plusieurs services. Vous comprenez, personne ne l’a
prise au sérieux… Mais
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