Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
fit signe à
Cassandra de s’asseoir sur le sofa en face de lui.
– Le
but de William Rutherford est très simple : déstabiliser le pays tant sur
le plan interne qu’à l’étranger. William veut déclencher une crise pour surgir
en homme providentiel et rétablir l’ordre. Depuis bien des années, il ne
fomente rien de moins qu’une révolution pour renverser la monarchie actuelle et
prendre le pouvoir.
– Voulez-vous dire… qu’il
veut être roi d’Angleterre ?
– Son
ambition ne connaît pas de limites. Pour parvenir à ses fins, il finance les
mouvements républicains en Angleterre et les groupes rebelles à l’étranger. Il
a contribué à la révolte des cipayes aux Indes en 1858, à des soulèvements au
Canada, en Irlande, en Chine, en Afghanistan, et dans encore bien d’autres pays
où l’Angleterre possède des intérêts.
Cassandra
écoutait lord Westbury avec une incrédulité croissante. Il lui paraissait
inconcevable qu’un homme seul puisse posséder une telle capacité de nuisance.
– Ses
richesses semblent inépuisables, poursuivait Rupert. C’est pour cette raison
qu’il représente une telle menace. Le contexte politique actuel favorise ses
visées, car vous n’êtes pas sans savoir que la monarchie est dangereusement
affaiblie par le retrait de la reine des affaires publiques. William va sans
nul doute essayer de tirer profit de cette situation.
– Pourquoi ne le
faites-vous pas arrêter dans ce cas ?
– À
l’heure actuelle nous manquons de preuves tangibles. William ne se salit pas
les mains : toutes ses combinaisons passant par des intermédiaires, il est
très difficile de remonter jusqu’à lui. Sa fortune et ses appuis font le reste.
Et comme il est pair du royaume, nous devons doublement le ménager.
Rupert fit une pause,
puis ajouta d’un air maussade :
– En
outre, et aussi surprenant que cela puisse paraître, la reine a de l’affection
pour lui. Elle le trouve spirituel et charmant, il a le don de la faire rire.
Sa Majesté l’apprécie d’autant plus qu’il l’a sauvée d’un attentat il y a
quinze ans de cela à St. James’Park.
Cassandra acquiesça.
– J’en
ai entendu parler. Un homme du nom de Guillaume Shadwell a tiré sur la reine
lors d’une promenade en calèche. Il a été jugé pour haute trahison et condamné
à mort.
– Je
suis persuadé que William a organisé lui-même cette agression dans le but de
jouer les héros et de gagner ainsi les bonnes grâces de la reine. Bien sûr,
elle ne connaît pas son vrai visage…
– Lui avez-vous fait part
de vos soupçons ?
– Certes
pas ! Je ne peux sans preuves aller souiller le nom d’un aristocrate
devant elle.
Il
rumina un instant son impuissance avant de continuer à brosser le portrait de
l’ennemi.
– Des
centaines d’hommes servent William dans l’ombre, et il possède son armée
personnelle, les Chevaliers. Surtout, il s’appuie sur une garde rapprochée, l’Astrum, un
groupe de douze hommes infiltrés dans tous les secteurs de la société. L ’Astrum dispose
de nombreux lieux de réunion en Angleterre que je fais surveiller. Récemment,
deux individus se sont introduits dans une auberge du Pays de Galles, dans la
vallée de Glamorgan ; nous avons cru qu’il s’agissait de membres de l’Astrum, mais il s’agissait manifestement d’une fausse alerte.
– Connaissez-vous
l’identité de ces douze hommes ?
– Certaines
des victimes de la Dame Noire, à savoir sir Henry Penrose, Donald Godley, James
Monroe et Adolphus Harvey, avaient un point commun : nous les soupçonnions
d’être membres de l’Astrum. Au début, j’ai supposé que William était responsable de
ces meurtres et qu’il exécutait lui-même ses associés devenus gênants, mais
cela n’avait aucun sens. Pourquoi recourir à une mise en scène aussi
spectaculaire alors qu’il aurait pu les tuer discrètement en faisant passer leurs
morts pour des accidents ? Aujourd’hui, je sais que William ne les a pas
assassinés. Aerith me l’a confirmé.
– Alors qui ?
– Quelle
que soit l’identité du meurtrier, il a rendu service au pays en le débarrassant
de ces comploteurs.
– Laissez-vous
entendre que vous avez laissé mourir ces hommes alors même que vous saviez
qu’ils étaient menacés ? s’indigna Cassandra.
– Des
ennemis de l’Angleterre, des traîtres, quelle importance ? rétorqua
posément Rupert en ajustant son lorgnon
Weitere Kostenlose Bücher