Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Walter,
venez ici !
Il
étouffa un juron. Non contente de le traîner dans des boutiques qu’il aurait en
temps normal fuies comme la peste, elle l’obligeait ensuite à admirer des
heures durant ses achats.
Assise
devant sa coiffeuse, Angelia faisait face au miroir. Ses épaules brillaient à
travers des transparences de dentelle et de mousseline qui glissèrent en
arrière quand elle leva les bras pour ôter les épingles d’argent qui retenaient
ses boucles brunes. Walter la contempla un instant du seuil de la porte,
partagé entre fascination et effroi. Lui seul savait ce que dissimulait cette
beauté si parfaite en apparence.
Inconsciente
des pensées qui l’agitaient, Angelia babillait joyeusement, ravie de ses
emplettes de la journée qui s’entassaient près de la coiffeuse. Du 25 rue
Louis-le-Grand, elle était revenue avec pas moins de dix robes confectionnées
par M me Roger, la couturière la plus en vue de Paris.
– Ne
vais-je pas être époustouflante dans cette toilette ? lança-t-elle à
Walter en lui montrant une robe de soie grenat au corsage voilé de mousselines
neigeuses.
Le
trouble de Walter devait se lire sur son visage, car quand leurs regards se
croisèrent dans la glace, la jeune femme se tut subitement.
– Que me vaut cet air
sceptique, Walter ?
Il
frémit, la gorge nouée, regrettant de n’avoir pas mieux su dissimuler ses
sentiments. Angelia laissa lentement retomber ses bras en continuant à le fixer
dans le miroir.
– Parlez
sans crainte, je vous en prie, insista-t-elle en le gratifiant d’un sourire de
givre qui le pétrifia.
– C’est que… j’ai vu…
Les mots lui avaient
échappé, et il se mordit la langue.
– Oui, qu’avez-vous
vu ?
Angelia
souriait toujours, mais Walter sentait le danger grossir de seconde en seconde.
Il recula d’un pas, mais se heurta au mur derrière lui. Il voulut quitter la pièce,
mais Seishiro se tenait sur le pas de la porte et lui barrait le passage.
Angelia
se leva avec lenteur, sa main crispée sur une longue aiguille à cheveux aux
pointes aiguisées.
– Vous
êtes un lâche, Walter, assena-t-elle d’un ton lourd de mépris.
Walter
rougit comme si elle l’avait giflé. Puis tout se passa très vite, presque à son
corps défendant. Ce fut comme si toute la colère et l’angoisse qu’il refoulait
depuis des semaines et qui menaçaient de l’étouffer explosaient soudain, le
privant de sa raison. Les poings serrés, il fit un pas vers Angelia.
– Croyez-vous
que je n’ai pas découvert votre secret ? cria-t-il. J’ai vu votre corps
lorsque vous étiez chez nous, inconsciente. Vous êtes un monstre,
m’entendez-vous ? Un monstre !
Angelia devint livide.
Les lèvres cendreuses, elle hurla :
– Taisez-vous !
Mais
Walter, enragé, n’en avait pas fini. La lumière tombait en biais sur ses
petites lunettes, dissimulant ses yeux derrière les reflets. Avant que Seishiro
ait pu l’en empêcher, il bondit vers Angelia, attrapa les pans de son
déshabillé et tira furieusement.
L’étoffe
se déchira avec un craquement sec. Soudain dégrisé, Walter contempla
stupidement les lambeaux de tissu qu’il tenait à la main, avant de reporter son
regard vers Angelia. Statufiée, la jeune femme n’avait pas encore eu le réflexe
de se couvrir, et Walter put contempler de nouveau l’affreux spectacle de son
corps martyrisé, la peau rougie et cloquée de son ventre et de ses cuisses
entièrement brûlés.
Cela ne dura qu’une
seconde. Un coup assené par Seishiro l’atteignit à la tête et il perdit
connaissance.
*
Ce
fut le contact d’une lame froide contre sa joue qui le réveilla. Il était assis
sur une chaise dans la pénombre. L’esprit embrumé, il lui fallut quelques
instants pour réaliser qu’il était attaché ; des cordes ligotaient ses
chevilles et mordaient ses poignets. Tout près de lui se tenait Angelia, drapée
dans un peignoir, un couteau à la main.
Tout
à coup, Walter se rappela avec horreur la scène qui venait de se produire.
– Allez-vous me tuer ?
chuchota-t-il misérablement.
Angelia le dévisageait,
impénétrable.
– Aucun
homme n’avait jamais vu ces cicatrices avant vous…
Walter redressa la tête.
– Et Seishiro ? Et
votre époux ?
Angelia eut un petit
rire grinçant.
– Seishiro
ne compte pas. Quant à Robert, il ne m’a jamais touchée, Dieu merci. Il faut
dire qu’il n’aimait que les jeunes garçons. Voyez-vous,
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