Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

Nicholas est un meurtrier !
    –  Gabriel
aussi, riposta Megan, et pourtant tu l’accueillais chez toi à bras
ouverts !
    –  C’est différent.
    –  Et pourquoi donc, je te
prie ?
    À court d’arguments,
Cassandra changea d’angle d’attaque.
    –  Il
n’a cessé de nous mentir depuis que nous le connaissons, et tu lui accordes ta
confiance ?
    –  Il est sincère avec moi,
s’obstina Megan.
    –  Ne
sois pas naïve, gronda Cassandra, c’est un individu chez qui tout n’est
qu’illusion. Et je te rappelle que Nicholas Ferguson n’est pas même son vrai
nom, il l’a volé à l’homme qu’il a assassiné de sang-froid ! Depuis quand
l’héberges-tu ici ?
    –  Quelques semaines,
marmonna Megan.
    –  Quelques
semaines ! s’exclama Cassandra qui n’était pas loin de s’étouffer de rage.
Tu as complètement perdu la tête.
    Elle
se tut subitement et observa Megan avec attention. Ce qu’elle lut alors sur ses
traits l’effraya, bien davantage encore que la simple présence de Nicholas chez
elle. Comment avait-elle pu être aussi aveugle…
    –  T’a-t-il
révélé pour qui il travaillait ? demanda-t-elle plus doucement, en proie à
un début de culpabilité.
    –  Non, jamais. Cet
interrogatoire est-il terminé à présent ?
    Sans
un mot de plus, Megan sortit de la chambre pour redescendre au salon. Inquiète,
Cassandra la suivit. Il lui semblait qu’un piège s’était refermé sur sa
belle-sœur, et elle avait déjà l’intuition qu’elle ne pourrait l’en dégager.
    Aerith,
Julian et Clayton se tenaient toujours devant les gravures. À l’autre bout de
la pièce, près de la cheminée, Nicholas, les bras croisés, caressait du pouce
une de ses cicatrices.
    –  Ainsi
que je le disais tout à l’heure, lança-t-il à Cassandra quand elle réapparut,
j’ai le Soleil d’or en ma possession. Je fais donc partie du voyage.
    –  Bien
sûr, et ensuite vous tenterez de vous emparer du Livre d’émeraude comme vous
l’avez fait pour la pierre philosophale.
    –  Ce n’est pas exclu,
admit-il.
    Cassandra lui jeta un
regard noir avant de s’adresser à Aerith :
    –  Mais
nous ignorons où se trouve la Lune d’argent, n’est-ce pas ?
    –  Elle
viendra à vous en temps voulu, affirma tranquillement la jeune femme.
    Clayton leva les yeux de
la carte.
    –  Trouverons-nous
là-bas l’auteur des crimes de la Dame Noire ?
    –  C’est probable, oui.
    –  Alors je viens aussi.
    Luttant contre sa
répulsion, Julian s’approcha d’Aerith.
    –  Soyez
franche pour une fois dans votre vie. Le Livre d’émeraude est-il réellement
destiné à l’Angleterre ?
    Aerith fit mine
d’hésiter.
    –  Je crains de ne pas vous
avoir dit toute la vérité…
    –  Quelle surprise,
persifla Julian.
    –  L’Angleterre
se moque du Livre d’émeraude, elle n’y accorde aucune valeur. Cet objet, c’est
un homme qui le recherche, un homme que l’on m’a chargé d’espionner.
    –  Qui est-il ?
    –  William
Rutherford, comte de Carwyn, répondit une nouvelle voix venue du seuil du salon.
    Tous
se retournèrent d’un même mouvement. Dans l’embrasure de la porte, vêtu d’une
longue redingote gris fer sévèrement boutonnée jusqu’au menton, se tenait
Rupert Kingsley, lord Westbury, ses yeux de faucon braqués sur Cassandra.
    –  Père… souffla Julian,
stupéfait.
    Rupert
congédia d’un geste le domestique qui l’avait introduit et s’avança dans la
pièce, canne à la main.
    –  William
Rutherford est un ennemi de la Couronne, poursuivit-il gravement, une menace
pour la sûreté de l’État. C’est pourquoi j’ai chargé Aerith de le surveiller.
    –  Comment avez-vous pu…
protesta son fils.
    Rupert leva une main
pour l’interrompre.
    –  Ne
vous mêlez pas de mes décisions, Julian, le tança-t-il. Lorsque vous êtes venue
me voir chez moi, continua-t-il à l’adresse de Cassandra, j’ai cru que vous
travailliez pour William. Imaginez ma surprise quand j’ai appris que vous
connaissiez mon fils.
    –  Pourquoi
avoir cru que j’entretenais un lien avec ce William Rutherford ? s’étonna
Cassandra. C’est la première fois que j’entends son nom.
    Rupert
la jaugea en silence, puis il agita la main avec impatience.
    –  Je dois parler à Mrs.
Ward en privé. Veuillez sortir.
    Il
y eut un instant d’hésitation, puis tous quittèrent la pièce. Rupert prit alors
place sur un fauteuil recouvert de chintz près de l’âtre et