Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
victime de
l’organisation criminelle que ses enquêtes mettaient en péril. Bien que quatre
années se fussent écoulées depuis le drame, Megan savait que la plaie était
toujours ouverte, toujours douloureuse.
Comme s’il avait lu dans
ses pensées, Jeremy s’était assombri.
– Le
père de Clayton a quitté Scotland Yard il y a une dizaine d’années et vit
parfaitement heureux dans un cottage du Derbyshire, expliqua-t-il d’une voix
crispée. Son fils a en quelque sorte repris le flambeau au sein de la police.
Megan
acquiesça, honteuse d’avoir ravivé la blessure, et s’empressa de changer de
sujet pour dissimuler sa maladresse.
– Que
pense Clayton Blake de cette série de crimes ? Soupçonne-t-il
quelqu’un ?
– Pas encore, mais cela ne
saurait tarder, assura Jeremy.
Clayton
est un policier extrêmement compétent et efficace. C’est lui qui a démantelé le
fameux gang de la Main d’ébène qui sévissait dans le pays l’année dernière. Il
est si consciencieux qu’il ne se sépare jamais de ses dossiers, ajouta-t-il en
croquant dans une pomme prise sur une coupelle. Je parie qu’il les glisse sous
son oreiller avant de dormir.
– Et
un tel homme se confie à vous ? s’étonna Megan, l’air quelque peu
sceptique.
– Mais
bien sûr, se récria Jeremy, nous sommes amis d’enfance, ne l’oubliez pas !
Il sait qu’il peut me faire confiance.
Suspendue
à ses lèvres, Megan arborait à présent une expression admirative digne de la
plus talentueuse actrice du théâtre royal de Drury Lane.
– C’est
fascinant, susurra-t-elle. Mais pour quelle raison ne nous avez-vous jamais
parlé de lui ? Et surtout, pourquoi ne lui avez-vous pas demandé son aide
à l’époque où vous cherchiez à détruire le Cercle du Phénix ?
Ravi de son intérêt,
Jeremy répondit de bonne grâce :
– Parce
qu’alors il ne vivait pas ici, mais à Birmingham, et que nous nous étions perdus
de vue. Il n’est revenu s’installer à Londres qu’au début de l’été, et il a
récupéré l’affaire de la Dame Noire il y a quelques semaines à peine. Les
inspecteurs précédemment en charge de l’enquête ont tous échoué à recueillir le
moindre indice. Et comme il n’y a aucun témoin…
– Il
me semble pourtant qu’une domestique était présente lors du premier meurtre en
janvier, celui de sir Henry Penrose.
– Oui,
mais elle a été renvoyée après le crime et la police a perdu sa trace.
– La pauvre fille, murmura
Megan.
– Bah,
ce n’était qu’une servante, rétorqua Jeremy avec un parfait manque de cœur, et
son témoignage était hautement fantaisiste. La petite devait lire trop de
romans dans le style du vôtre !
Megan cilla mais ne
releva pas.
– Clayton Blake et tout Scotland
Yard doivent être en alerte, reprit-elle, la mine songeuse. Nous sommes le dix
septembre aujourd’hui. Cette nuit…
Un silence rempli
d’appréhension plana un instant sur la pièce.
– Je
pourrais vous inviter, vous et l’inspecteur Blake, à dîner ici, déclara
subitement Megan. J’aimerais le rencontrer. Ce pourrait être amusant, qu’en
pensez-vous ?
Jeremy ouvrit de grands
yeux.
– Clayton ?
C’est un bourreau de travail et il est à peu près aussi folâtre qu’un bonnet de
nuit. Je ne pense pas qu’il sorte beaucoup.
– Quel
dommage, soupira la jeune fille, cela m’aurait fait une distraction. Il doit
avoir une foule de choses passionnantes à raconter. Promettez-moi de lui parler
de mon invitation quand Cassandra sera de retour. Je ne peux vous recevoir
seule, cela ne serait pas convenable.
– Pourquoi
n’avez-vous pas accompagné Cassandra dans le Devonshire puisque vous vous
ennuyez tant à Londres ?
– Oh,
j’avais d’autres projets, éluda Megan. Pour en revenir aux meurtres…
*
Lorsque
Jeremy eut pris congé, à la tombée du soir, Megan monta dans sa chambre se
préparer pour le dîner, très satisfaite de leur entretien. Avec une facilité
déconcertante, elle avait obtenu du journaliste toutes les informations qu’elle
désirait, et bien plus encore. Ce pauvre Jeremy était décidément aussi
incapable de juger de la qualité d’un texte que de résister à la flatterie.
En
remontant le couloir qui menait à sa chambre, Megan passa devant celle de son
frère. Depuis la mort d’Andrew, tout y était resté en l’état, les meubles, les
objets, les livres de médecine. Personne ne l’avait occupée, et
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