Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

fini
par acquérir de l’importance, non seulement à ses propres yeux, mais aussi et
surtout à ceux de personnes qui lui étaient devenues chères. Julian bien sûr,
mais également Laura, à qui contre toute attente il s’était profondément
attaché, et Cassandra qu’il avait appris à connaître et à qui il vouait une
sincère affection.
    Gabriel
balaya une dernière fois le parc des yeux avant de s’éloigner de la fenêtre. En
silence, il sortit de la chambre et s’immobilisa sur le palier. Il perçut alors
le bruit assourdi d’une porte qui s’ouvrait à l’étage au-dessous.
    Le salon de
musique ?
    Lorsque
Gabriel avait vu Lynton Hall pour la première fois, il avait été horrifié par
sa taille. Il était persuadé qu’il ne parviendrait jamais à se retrouver dans
un tel labyrinthe. Et de fait, il ne comptait plus le nombre de fois où il
s’était perdu dans le château. Il avait cependant fini par apprendre à s’y
orienter avec plus ou moins d’aisance. Il savait donc, sans l’ombre d’une
hésitation, que la porte qui venait de s’ouvrir était celle du salon de
musique.
    Naturellement,
il avait tort. Il s’agissait en réalité de la bibliothèque. Un mince rai de
lumière filtrait de l’intérieur de la pièce au ras du sol. Délicatement,
Gabriel posa sa main sur la poignée. Aussitôt, la lumière disparut, comme si
l’intrus s’était rendu compte de sa présence.
    Le
corps du jeune homme se tendit, sa respiration se fit plus profonde. Il
retrouvait ses anciens réflexes, des réflexes d’assassin, et cette pensée le
prit au dépourvu. Un chasseur traquant sa proie, voilà ce qu’il était redevenu
en l’espace de quelques minutes. Peut-être était-ce finalement pour cette
raison qu’il n’avait pas réveillé Julian…
    Un
infime grincement provenant de la bibliothèque l’incita à passer à l’action. Il
s’apprêtait à pousser le battant lorsqu’il suspendit son geste. Et si l’intrus
était armé ? Qu’importe, l’obscurité le protégerait. La nuit était son
domaine. Sans plus tergiverser, il ouvrit la porte à la volée et bondit dans la
pièce, espérant prendre le rôdeur par surprise.
    D’un
coup d’œil circulaire, il engloba les lieux. Haute de plafond et toute en
longueur, la bibliothèque comportait sur un côté six fenêtres cintrées sous
lesquelles étaient placés des fauteuils Chippendale. De lourds rideaux
obstruaient les croisées, mais la clarté laiteuse de la lune parvenait à
s’infiltrer à travers les interstices et éclairait les lieux avec parcimonie.
Les yeux de Gabriel ne tardèrent pas à s’habituer à cette pénombre. Devant lui,
les rayonnages s’avançaient en saillie, formant des baies ; dans chacune
d’elles, une lampe bouillotte reposait sur une petite table, et des miroirs
étaient disposés de manière à réfléchir la vue de l’extérieur.
    Soudain, Gabriel se
figea. À l’autre bout de la salle, à demi dissimulé par les rayonnages en chêne
massif, se tenait un individu.
    Le jeune homme avança
d’un pas.
    –  Qui est là ?
demanda-t-il, bien qu’il doutât fort d’obtenir une réponse.
    Avec une surprenante
rapidité, l’intrus se jeta de côté et se fondit dans l’obscurité. Gabriel
s’empressa de se coller au mur pour ne pas risquer d’être attaqué par-derrière.
Une lame de plancher craqua non loin de là, et la mystérieuse silhouette surgit
soudain devant lui, cherchant à gagner la porte pour fuir la bibliothèque. Sans
réfléchir, Gabriel s’élança vers elle et l’empoigna. L’inconnu se débattit, et
un sifflement déchira l’air. Gabriel lâcha prise et recula vivement, renversant
un fauteuil au passage. Le poignard fendit de nouveau l’espace et lacéra la
manche du jeune homme. Mais ce mouvement lui avait permis de localiser son
adversaire, et d’un coup bien appliqué il lui fit lâcher son arme. Puis, sans
laisser à l’autre le temps de réagir, il claqua la porte et se plaça devant
pour lui couper la retraite. C’était la seule issue possible ; la
bibliothèque se trouvait au deuxième étage, ce qui réduisait à néant toute
chance de s’échapper par l’une des fenêtres.
    Pris au piège, l’intrus
s’immobilisa quelques secondes, la respiration heurtée, puis se décida à jouer son
va-tout. Il se précipita vers Gabriel et tenta de le frapper à la tête avec un
objet que le jeune homme ne put identifier. Il esquiva le choc en se baissant,
mais déjà