Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
examiner.
– Qu’est-ce donc ?
– Des
taches de sang qui se trouvaient sur les lieux des meurtres de Watkins et
Tyrrel. Chacune juste devant la vierge de fer.
– Elles sont identiques,
observa Lamb, perplexe.
– C’est
ce qui a attiré mon attention. J’ai fait photographier la première le mois dernier
car sa forme particulière m’intriguait. Et ce mois-ci, chez sir Godfrey Tyrrel,
j’ai retrouvé la même. Les deux flaques sont en tous points similaires.
– Cette forme…
Lamb
alla se poster devant la fenêtre et leva les photographies à la lumière.
– On dirait un animal…
– Un dragon plus
exactement, avança Clayton.
Le commissaire sursauta.
– Vous
pensez que c’est un dragon qui a fait le coup ? demanda-t-il, soudain
facétieux.
Ce
bref accès de bonne humeur ne dura pas cependant, car Lamb se renfrogna presque
aussitôt. Il eut un reniflement méprisant et rendit les photographies à
Clayton.
– Cela
ne tient pas debout, voyons. Concentrez-vous sur des indices plus sérieux que
des taches de sang qui se ressemblent.
– Mais
nous avons peut-être là un symbole qui nous mènera à l’assassin, s’impatienta
Clayton.
– Vous
me décevez, mon petit. Vous m’avez pourtant été chaudement recommandé en haut
lieu. Allez, retournez travailler à présent, et ne revenez me voir que lorsque
vous aurez une information digne d’intérêt à m’offrir, conclut Lamb qui se
plongea ostensiblement dans la lecture d’une liasse de papiers, mettant ainsi
un point final à la discussion.
XIII
Trois
jours après la disparition d’Angelia, un climat de désolation régnait toujours
à l’asile de Reinfield. Toutes les pensionnaires étaient cloîtrées dans leurs
chambres, tandis que les infirmières et les médecins chuchotaient fébrilement
dans les couloirs.
Dès
son arrivée, Cassandra se rendit dans le bureau du directeur de l’asile, un
homme austère aux yeux caves qui l’accueillit d’un air soucieux.
– Votre
sœur a profité d’un début d’émeute au sein de l’établissement pour s’évader,
expliqua-t-il après les salutations d’usage. Deux malades se sont violemment
prises à partie à l’heure de la promenade du soir, d’autres s’en sont mêlées,
des infirmières sont intervenues puis la situation a dégénéré. Dieu merci, nous
n’avons à déplorer que quelques blessures légères chez une dizaine de nos pensionnaires.
En
écoutant ce récit, Cassandra se rappela l’atmosphère tendue, lourde de menaces,
qui planait sur l’asile lorsqu’elle était venue visiter Angelia avant son
départ pour Lynton Hall, les regards méfiants et remplis d’animosité que se
lançaient certaines malades. Se pouvait-il qu’Angelia ait volontairement semé
la discorde dans l’esprit de ses compagnes afin de favoriser son évasion ?
Elle en était capable.
– Votre
sœur a tué une infirmière lors de sa fuite, poursuivait le directeur d’un ton
aussi réprobateur que si Cassandra avait été personnellement responsable de ce
crime. Aussi ai-je été dans l’obligation de mêler la police à cette malheureuse
affaire, ce qui, je ne vous le cache pas, est source d’ennui et de trouble pour
l’ensemble de mes personnels. Sans parler de la réputation de cet
établissement, irrémédiablement compromise par ce répugnant assassinat…
Cassandra
se souciait peu de la réputation de l’asile. Elle afficha toutefois une mine
horrifiée de circonstance à l’évocation du meurtre, quoiqu’elle ne fût guère
surprise en vérité. Non, ce qui l’étonnait surtout connaissant Angelia, c’était
qu’il n’y eût pas eu plus de morts. Et cet assassinat n’était sans doute pas
une mauvaise chose ; au moins la police se donnerait-elle la peine de
rechercher la fugitive. À cette pensée, Cassandra se mordit les lèvres, choquée
par son propre cynisme.
– Votre
sœur avait en sa possession un poignard. J’ignore comment elle a pu l’obtenir,
mais la police suppose qu’elle a bénéficié de complicités, ajouta le directeur
en regardant Cassandra par en dessous. Et comme vous étiez son seul contact
avec le monde extérieur…
– Je
ne l’ai pas aidée à s’enfuir, si c’est ce que vous insinuez, déclara la jeune
femme avec hauteur, tout en s’interrogeant sur l’éventuelle implication de
membres du Cercle du Phénix dans cette évasion.
– Je
n’ai rien affirmé de tel, protesta-t-il, la mine hypocrite.
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