Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

avait aimé cette femme, il l’avait
aimée avant lui, et cette idée lui était insupportable. L’intimité qu’ils
avaient partagée autrefois et qui transparaissait aujourd’hui dans chacun de
leurs gestes, chacune de leurs paroles, l’excluait de fait. Il avait
l’impression d’avoir été expulsé d’un monde qu’il croyait sien alors qu’il n’y
était qu’invité. Désormais, il ne trouvait un peu de réconfort qu’auprès de
Laura, toujours ignorante de la présence de sa mère au château.
    Gabriel
ne cessait de ressasser les mêmes craintes, jusqu’à ce qu’une nuit, il
rassemble son courage et décide de se confronter à Julian pour l’obliger à
clarifier ses sentiments.
    Mais
Gabriel ne le trouva pas. Il n’était ni dans son bureau à travailler sur le
code, ni dans la bibliothèque. Gabriel parcourut les pièces une à une sans le
voir, et son angoisse s’amplifia. Soudain, il se figea au milieu d’un couloir.
    Et si Julian se trouvait
dans la chambre d’Aerith ?
    Gabriel secoua la tête,
essaya de chasser ces pensées ridicules.
    Mais
il ne parvenait déjà plus à réfléchir. Mû par une force irrésistible, il se
dirigea vers la chambre de la jeune femme.
    Il
s’arrêta devant la porte, tendit l’oreille. Aucun son ne lui parvint, mais un
rai de lumière filtrait sous le battant. Aerith ne dormait pas.
    La main sur la poignée,
Gabriel hésita longtemps.
    Puis, enfin, il ouvrit
la porte.

XVI
    Prenant Londres par
surprise, un froid vif avait déferlé sur la ville, tandis qu’un brouillard
épais commençait à envahir les rues.
    Il était neuf heures du
soir et Clayton Blake s’apprêtait à regagner son domicile lorsqu’il eut la
désagréable surprise de voir Jeremy Shaw surgir devant lui, un sourire
faussement jovial aux lèvres. Clayton le connaissait suffisamment pour savoir
que ce sourire ne présageait rien de bon. Il allait sans nul doute tenter de
lui soutirer encore des informations sur les meurtres de la Dame Noire. Clayton
soupçonnait que, chez Jeremy, le journaliste primait sur l’ami.
    Sa contrariété devait se
lire sur son visage car Jeremy le gratifia d’une bourrade dans le dos.
    –  Alors Clayton, est-ce
ainsi que tu accueilles un vieux camarade ?
    Le policier marmonna
quelques mots inintelligibles et tenta de rejoindre la porte de la maison dans laquelle
il louait un modeste appartement meublé, mais Jeremy lui barra le passage.
    –  Tu étais déjà taciturne
quand nous étions enfants, et tu ne t’améliores aucunement avec l’âge,
commenta-t-il d’un air de reproche.
    Lui-même
était d’humeur maussade en vérité. Il était toujours sous le choc de l’évasion
d’Angelia, la femme qui avait donné l’ordre d’exécuter son père lorsqu’elle
était à la tête du Cercle du Phénix… Une discussion orageuse l’avait d’ailleurs
opposé à Cassandra sur ce sujet pas plus tard que la veille. Il l’avait
attendue des heures durant au manoir Jamiston pour l’abreuver de reproches à
son arrivée.
    –  Votre
faiblesse à l’égard de votre sœur est impardonnable, lui avait-il lancé, très
énervé. Votre silence, votre inertie vous rendent complice de ses crimes !
    –  Je
ne le sais que trop ! avait rétorqué Cassandra, qui avait perdu son calme
habituel et paraissait tout aussi ébranlée que lui. Mais ce qui est fait est
fait, et il ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie. J’ai envoyé des
gens à moi à sa recherche et ils la retrouveront. Eux ou la police.
    –  Espérons-le !
Mais voilà deux semaines qu’elle s’est enfuie, et Dieu sait combien de victimes
elle risque de faire encore !
    Jeremy
avait quitté Cassandra en grommelant force imprécations, et ruminait sa colère
depuis. Toutefois, il n’en oubliait pas pour autant son enquête, et sa visite à
Clayton n’avait en effet rien de gratuit. Il avait compris qu’il n’était pas le
bienvenu, mais n’en avait cure : il fallait davantage qu’une voix bourrue
et des sourcils froncés pour l’abattre.
    –  Alors
comment avancent tes investigations ? Des progrès depuis la dernière fois
que nous nous sommes vus ?
    Clayton
se contenta de hausser les épaules en signe de dénégation. Pas le moins du
monde découragé, Jeremy se frotta ostensiblement les mains puis souffla sur ses
doigts.
    –  Nous
pourrions entrer chez toi, nous y serions mieux pour discuter.
    Clayton
ne se laissa pas abuser par cette manœuvre grossière : s’il