Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Il
voulut se retourner, mais une lame surgie de nulle part l’en dissuada. Revêtue
de nouveau de sa robe de velours rouge, Angelia se tenait derrière lui et pressait
un couteau contre sa gorge. De surprise, Walter laissa échapper le plateau,
dont le contenu se fracassa sur le sol.
– Que… que
faites-vous ? balbutia-t-il.
Angelia
le poussa violemment et il tomba sur une chaise. Il leva la tête vers la jeune
femme et demeura pétrifié. Le teint livide, les lèvres retroussées en un rictus
féroce, sa main aux veines saillantes crispée sur le couteau aiguisé, elle
était terrifiante. Walter eut l’impression de se trouver face à une bête
sauvage aussi belle que capricieuse, et qui pouvait d’un brusque coup de dent
ou de griffe mettre fin à son existence.
– Pour qui
travaillez-vous ? rugit Angelia.
Walter
ne s’attendait pas à cette question. Sidéré, il fixa la jeune femme d’un air de
totale incompréhension.
– Répondez !
cria-t-elle en le prenant par le col et en appuyant de nouveau l’arme contre sa
gorge.
– Je… je ne vois pas ce
que vous voulez dire…
– Ne mentez pas !
– Je vous assure que…
La
pointe de la lame s’enfonça dans la chair et du sang perla sur le cou de
Walter.
– Je
ne me suis pas évadée seule de l’asile, affirma Angelia dans un chuchotement
éraillé. Si j’ai provoqué l’émeute, quelqu’un a facilité ma fuite en plaçant un
complice parmi les gardiens et en me procurant une arme. Me croyait-on assez
stupide pour ne pas m’en apercevoir ?
Elle recula de quelques
pas et scruta Walter.
– La
nuit de mon évasion, cette même personne vous a envoyé surveiller les abords de
l’asile dans le but de me trouver, n’est-ce pas ?
Walter
contemplait la jeune femme bouche bée, incapable de proférer le moindre son . Sa
stupeur paraissait si sincère que l’espace d’une poignée
de secondes, la conviction d’Angelia en fut ébranlée. Mais elle se ressaisit
très vite et continua de plus belle son réquisitoire :
– Obéissant
aux ordres que vous aviez reçus, vous m’avez ramenée ici, chez vous, puis
n’avez cessé de me droguer pour m’affaiblir et me garder sous votre contrôle.
– Vous
droguer ? s’étrangla Walter, qui pour le coup avait retrouvé l’usage de la
parole.
– Depuis
hier, je n’ai rien mangé ou bu de ce que vous m’avez apporté, et je me sens
déjà beaucoup mieux.
– Vous
guérissez, marmonna Walter, je ne vois nul complot là-dedans.
– Cessez de jouer les
imbéciles !
À bout de patience,
Walter se leva d’un bond.
– Je
vous ai recueillie quand vous étiez recherchée, je vous ai soignée, je ne vous
ai pas livrée à la police alors que vous avez tué quelqu’un – ne niez pas, je
l’ai lu dans le journal ! – et c’est ainsi que vous me remerciez ?
Un
instant, il crut qu’Angelia allait l’égorger, mais elle se contenta de lui
adresser un sourire retors.
– C’est
justement cette attitude qui vous rend suspect. Pour quelle raison
prendriez-vous de tels risques ?
– Vous
voyez le mal partout, rétorqua Walter, consterné. Je vous plains sincèrement.
Angelia
se trouvait rarement prise au dépourvu, mais cette fois-ci elle ne trouva rien
à répondre. La confrontation avec Walter ne se déroulait pas comme elle l’avait
prévu.
À
ce moment, la porte d’entrée claqua au rez-de-chaussée, et la voix de Mrs.
Crane se fit entendre. Blême d’angoisse, Walter vit les doigts d’Angelia se
resserrer sur le couteau. Leurs regards se croisèrent.
– Je vous en prie…
souffla-t-il.
Angelia
se pencha vers lui et posa sa main sur la sienne ; sa peau était sèche et
brûlante.
– Si
vous me trahissez, siffla-t-elle à son oreille, je tue votre mère.
– Je ferai ce que vous
voudrez…
Elle lâcha sa main et
retourna s’asseoir sur son lit. Puis elle décocha à Walter un charmant sourire.
– J’y compte bien. En
premier lieu, il y a une vieille connaissance que je dois absolument retrouver…
XV
Avec
un soupir, Julian reposa son stylo à plume d’acier. Sur le bureau devant lui
s’étalaient une multitude de feuillets couverts de son écriture, fruits de sa
tentative de déchiffrage du parchemin dissimulé dans La Dame
de pique. Après sa conversation avec Aerith, il s’était empressé
d’écrire à son père pour lui demander confirmation des dires de la jeune femme.
Toujours laconique, Rupert s’était
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