Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Je
la tiens ! cria l’homme d’une voix assourdie par le masque.
À
ces mots, Megan retrouva son courage. D’un mouvement rapide, elle détendit le
bras et son poing atteignit l’homme sous le menton. Le coup n’était pas très
fort, mais il lui referma la bouche comme une trappe, la langue prise entre les
dents. L’homme se mit à hurler et Megan, relevant ses jupes à deux mains, lui
décocha un violent coup de pied dans le genou. L’inconnu libéra alors son bras,
et elle en profita pour s’enfuir. Elle se mit à courir, les mains en avant.
Face à elle, un mur gris reculait à mesure qu’elle avançait.
Dans
son dos, des ordres, un bruit de course. Elle était talonnée de près, et la
proximité de ses assaillants accrut son affolement. Elle avait perdu tout sens
des directions. Une seule pensée la guidait : échapper aux hommes masqués.
Elle courait donc aussi vite que ses jambes peu habituées à cet exercice le lui
permettaient, mais le pavé était gras de l’humidité de la nuit, et elle
craignait à chaque instant de glisser et de ne pas pouvoir se relever.
Soudain,
elle heurta brutalement un obstacle. Etourdie par le choc, elle vacilla et
s’affaissa sur ses genoux, hors d’haleine. Ses mains rencontrèrent la pierre
froide du mur qui avait stoppé sa course. Elle se recroquevilla contre
celui-ci, se faisant la plus petite possible. Toute proche, une voix d’homme
qui paraissait curieusement désincarnée lui parvint, et elle distingua des
silhouettes estompées se mouvant dans la brume.
S’aidant
des mains et des genoux, elle se mit à ramper avec fébrilité, cherchant son chemin
à tâtons tout en prenant garde à rester près du mur. Sa robe et sa cape étaient
trempées, ses paumes égratignées, lorsqu’elle en atteignit l’extrémité.
Au-delà, il n’y avait rien, rien d’autre que le brouillard gris et hostile.
Megan se releva péniblement et écarta de ses doigts tremblants les cheveux qui
tombaient sur sa figure.
C’est
alors qu’elle entendit un nouveau son qui la glaça. Un bruit de vaguelettes, un
clapotis régulier juste en dessous d’elle, accompagnés d’une odeur fétide d’eau
souillée. La Tamise. Sa fuite l’avait menée sur les quais. À présent, un seul
faux pas risquait de la précipiter dans les flots, et cette chute la
condamnerait à mort bien plus sûrement qu’une confrontation avec les hommes
masqués.
Megan
n’osait plus bouger. Déjà, les voix basses et précipitées de ses assaillants se
rapprochaient d’elle une fois encore. Elle réfléchissait désespérément à une
échappatoire lorsqu’une main se plaqua sur sa bouche tandis qu’un bras
enserrait sa taille. Elle tenta de crier, de se débattre, mais l’inconnu la
retenait solidement. Puis une voix étrangement familière chuchota à son
oreille :
– Restez tranquille.
Megan cessa aussitôt de
s’agiter.
L’homme
relâcha son étreinte et glissa son bras sous le sien. Elle pouvait sentir sa force
et sa chaleur, si réconfortantes après sa longue épreuve dans le froid et
l’obscurité. D’instinct, Megan lui faisait confiance.
Les
jambes faibles, elle s’appuya de tout son poids contre lui, et leurs deux
formes enlacées plongèrent dans l’océan de brume.
L’homme
marchait vite, se dirigeant avec une singulière aisance à travers les volutes
de brouillard, et Megan devait presque courir pour rester à sa hauteur. Au
détour d’une ruelle, son pied glissa sur le pavage. Elle se serait écroulée si,
à ce moment, la main de l’inconnu ne l’avait agrippée vigoureusement pour
l’aider à se redresser. Ils parcoururent ainsi, mi-marchant, mi-courant, une
distance que la jeune fille fut incapable d’évaluer. Enfin, ils firent halte,
et Megan aperçut par une trouée du brouillard des lumières et un attelage.
L’homme la poussa à l’intérieur et referma la portière derrière eux.
– À Baker Street !
cria-t-il au cocher.
Haletante, Megan
s’affala sur la banquette, cherchant à distinguer les traits de l’inconnu.
Comme pour répondre à son interrogation muette, celui-ci alluma la veilleuse,
mais ne se retourna pas immédiatement. Troublée, Megan murmura :
– Qui êtes-vous ?
Un rire narquois lui fit
écho.
Le cœur de Megan manqua
un battement. Ce rire…
L’homme fit alors volte-face,
et elle plaqua une main sur sa bouche.
– Nicholas…
XVII
Abasourdie,
Megan s’était reculée contre la portière et fixait Nicholas
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