Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
et Jeremy se séparaient, Megan
sortit de cette maison, porteuse d’une missive à remettre de toute urgence à
son destinataire. Sans perdre une seconde, elle héla un cab qui la mena dans
Knightrider Street, rue située entre la Tamise et la cathédrale Saint-Paul.
Une
fois sa mission accomplie, la jeune fille se trouva enfin libre de rentrer chez
elle. Megan fit quelques pas dans Knightrider Street à la recherche d’un cab
mais n’en vit aucun de libre. Elle aurait sans doute plus de chance devant la
cathédrale où se trouvaient des stations de fiacres et d’omnibus. Elle se hâta
donc dans cette direction, pressée de regagner la chaleur de son foyer. Il
était tard et la température avait baissé brutalement au cours de la journée, comme
si l’hiver avait décidé d’avancer son arrivée. Pour ne rien arranger, un
brouillard humide avait en l’espace de quelques minutes à peine envahi Londres.
Il s’épaississait à chaque seconde, et Megan avait l’impression qu’un vaste
dais recouvrait le toit des maisons. Flottant dans la brume tels des feux
follets, les rares lumières qui jalonnaient la rue dégageaient une vague lueur
jaunâtre. On n’y voyait pas à deux pas. Les quelques passants assez courageux
ou inconscients pour s’aventurer dehors par ce temps avançaient lentement,
posant avec précaution les pieds devant eux pour se prémunir de tout obstacle.
Megan
s’immobilisa un instant pour s’emmitoufler dans sa cape. Ses mains étaient
gelées, et elle regretta de ne pas avoir emporté de gants. Elle devait se hâter
de trouver un cab pour rentrer avant de mourir de froid. Autour d’elle, des
formes humaines fantomatiques se mouvaient dans la grisaille. Des éclats de
voix, des jurons, des imprécations, des cris d’hommes ivres éclataient parfois
tout près de ses oreilles, la faisant sursauter, pour aussitôt être avalés par
le brouillard.
Megan
continuait à avancer droit devant elle, mais vint un moment où elle dut
s’avouer qu’elle n’avait pas la moindre idée de l’endroit où elle se trouvait.
Elle s’arrêta de nouveau et tâtonna dans le vide jusqu’à rencontrer un mur
contre lequel elle s’appuya. Son cœur battait vite, et l’angoisse commençait à
la tenailler. Si seulement ce maudit brouillard daignait se dissiper… La
perspective de passer la nuit ici, prisonnière du fog et de l’obscurité, n’avait rien de plaisant.
Une
ombre la frôla, et elle ne put retenir un cri de saisissement. Mais déjà les
pas s’éloignaient dans la brume.
Alors,
il n’y eut plus rien. Plus un mouvement. Plus un son. Le brouillard semblait
avoir absorbé toute vie. Megan avait l’impression d’être isolée dans un caisson
de grisaille qui lui brûlait les yeux.
Soudain,
derrière elle, le frottement d’un tissu contre le mur se fit entendre. Les
nerfs à vif, elle se retourna prestement, mais le brouillard était
impénétrable. Pourtant, il y avait quelqu’un, elle en était certaine. Elle se
colla dos au mur et retint son souffle. D’abord elle n’entendit rien ; nul
son ne venait franchir la barrière opaque qui l’encerclait. Le doute s’insinua
alors dans son esprit ; son imagination lui avait-elle joué des
tours ? Puis, de nouveau, un bruissement d’étoffe troubla le silence,
accompagné cette fois de bruits de pas étouffés venant de différents côtés dans
sa direction. Megan se raidit. Il n’y avait pas là une seule personne comme
elle l’avait cru, mais trois ou quatre, voire davantage, et elles étaient
maintenant toutes proches. Megan hésita à les interpeler ; peut-être ces
gens pourraient-ils l’aider à retrouver son chemin. Cependant, son instinct lui
conseillait la prudence. Elle tergiversait encore lorsque, juste devant son
visage, la lueur blafarde d’une lanterne troua les volutes épaisses du
brouillard. Au même moment, une main blême sortie de nulle part s’abattit sur
son bras et le tordit violemment. Megan ouvrit la bouche pour crier, mais
l’humidité s’engouffrant dans sa gorge l’en empêcha.
Une figure émergea à son
tour de la brume, et Megan laissa échapper un gémissement de terreur. Car cette
figure de cauchemar était dénuée de bouche, de nez, d’expression. Lisse et
brillante, elle n’avait rien d’humain. Puis Megan comprit que le visage de son
assaillant était recouvert d’un masque de métal qui dissimulait entièrement ses
traits, à l’exception de deux fentes pour les yeux.
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