Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
comme s’il se fut
agi d’un revenant. Et c’en était bien un en vérité. Se retrouver face à cet
homme qui avait disparu de la surface de la terre depuis bientôt deux ans et
qu’elle pensait ne jamais revoir constituait déjà un choc en soi pour Megan,
mais ce n’était rien en comparaison de l’horrible aspect qu’il offrait. Le côté
droit de son visage était couturé de la racine des cheveux jusqu’au menton par
quatre épaisses griffures rouges que le temps écoulé depuis la cicatrisation
avait pâlies. Une des balafres tirait le coin de son œil brun vers le bas, une
autre tordait la commissure de ses lèvres en un rictus permanent. Il lui
paraissait en outre plus hâve et moins robuste que dans son souvenir.
– Mon Dieu…
Nicholas éclata de rire.
– Ah,
mes cicatrices vous intriguent ! J’ai failli à ma mission, et la punition
a été à la hauteur de mon échec…
Megan
le contempla bouche bée. C’étaient là des paroles qui ne ressemblaient pas au
Nicholas qu’elle avait autrefois côtoyé. Jamais elle ne l’aurait cru faible au
point de laisser quelqu’un lui dicter sa loi. Il acceptait la sentence sans
broncher, comme si elle était dans l’ordre naturel des choses.
– Quels
intérêts servez-vous donc ? questionna-t-elle d’un ton rendu agressif par
le désappointement.
Nicholas sourit mais ne
répondit pas.
Dans
la rue, un choc sourd suivi d’un cri de douleur et d’une bordée de jurons fit
sursauter Megan qui s’éloigna vivement de la portière. Nicholas se rapprocha
d’elle et posa sa main sur son bras. Elle ne tenta pas de se dégager.
– N’ayez pas peur, la
rassura-t-il, vous êtes en sécurité.
Les interrogations se
bousculaient dans la tête de Megan.
– Que
me voulaient ces hommes ? Pourquoi portent-ils ces masques ?
– On
les appelle les « Chevaliers », expliqua gravement Nicholas, mais
c’est à peu près tout ce que je sais à leur sujet.
– S’agit-il
d’une bande de malfaiteurs, d’une société criminelle ?
– Pas à ma connaissance.
– Ils
ont essayé de me tuer pourtant ! Pourquoi s’en sont-ils pris à moi ?
– Oh,
je suppose qu’ils ont trouvé l’occasion rêvée d’agir avec ce brouillard,
rétorqua Nicholas avec nonchalance. Sans doute auraient-ils jeté votre corps
dans la Tamise pour faire croire à un accident. Cela étant, ajouta-t-il sans
prendre garde à l’expression épouvantée de Megan, je crois qu’ils cherchent
quelque chose qui vous appartient.
– Mais
je ne possède aucun objet susceptible de les intéresser…
Elle s’interrompit net,
traversée par une idée subite.
– C’était
vous qui guettiez sous mes fenêtres, n’est-ce pas ? Vous me surveilliez
aussi, mais pour me protéger. Je savais que c’était vous… Enfin, je l’espérais,
dit-elle très vite en s’empourprant.
Nicholas
eut un léger haussement d’épaules, comme si la question ne revêtait aucune
importance.
– Que
peuvent-ils bien vouloir ? continua Megan. Je ne doute pas que vous le
sachiez.
Pour
toute réponse, il s’empara de la main droite de la jeune fille. Elle voulut
reculer, mais ses doigts brûlants s’étaient refermés sur les siens et la
retenaient prisonnière.
Nicholas approcha la
lampe de Megan.
– Voilà ce qui les
intéresse.
La
lumière répandue par la veilleuse fit étinceler la bague que Megan portait à
l’annulaire.
– Cette chevalière ?
murmura la jeune fille.
– Vous
l’avez trouvée en Écosse, n’est-ce pas ? Dans le Sanctuaire de l’Eau de
Cylenius ?
Megan
acquiesça, les yeux rivés sur le chaton incrusté d’un ouroboros d’or étreignant
un rubis.
– Oui,
dans une des salles rocheuses du labyrinthe souterrain. Elle était abandonnée
sur le sol. Je l’ai ramassée juste avant de voir Gabriel.
Elle releva la tête et
dévisagea Nicholas d’un air perplexe.
– Comment
ces hommes pouvaient-ils savoir qu’elle était en ma possession ?
Nicholas arbora une
expression faussement contrite.
– Je
crains que ce ne soit ma faute, avoua-t-il. J’avais remarqué la bague à votre
doigt après notre retour d’Écosse…
À
ces mots, un affreux soupçon traversa l’esprit de Megan. Elle se raidit et d’un
mouvement brusque libéra sa main de celle de Nicholas.
– Vous
êtes de connivence avec eux, n’est-ce pas ? Mon agression n’était qu’une
mise en scène pour vous permettre d’intervenir et de
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